L'artiste peintre Abdeslam Kabbaj (vit et travaille à Casablanca) nous invite dans son exposition individuelle qui aura lieu du 29 décembre courant au 10 janvier 2013 à la galerie de la Direction régionale de la culture de Casablanca, à revoir une véritable tentative d'épuration qui exprime les profondeurs des états d'âme de l'individu et éveille la conscience et les émotions de la collectivité. Il nous ouvre la voie sur une autre approche de la peinture expressionniste via la vie des formes fluides et des couleurs captivantes. C'est l'allégorie de la trace gestuelle en tant qu'une énergie intimement liée à l'homme. Ses toiles enchantent notre sensibilité intérieure, en dépassant la dichotomie entre le monde saisi par les sens et le monde saisi par l'esprit, et ce à travers une connaissance intuitive de la couleur qui est poussée à sa limite, non point vers l'obscur, mais toujours vers le clair et le transparent. La lumière chromatique épure la surface de la toile des superfluités et met en scène la forme et la couleur dans le cadre de ce qu'on appelle la suprématie avec une nouvelle tournure jouant sur la fascination. L'amour de la vie, l'acte de retenir l'essentiel, la subjectivité sont autant d'éléments susceptibles d'éveiller les sens et de les exciter. Placée sous le signe «Estimrare» (endurance), cette exposition nous permet de rattacher sans trop de difficultés la peinture de Kabbaj à une quête de l'absolu loin de toute matiérisation et opacité. Elle a cette manie de pousser la couleur à l'extinction dans une tentative d'épuration, ce qui marque son art d'une personnalité incontestable par rapport aux productions étrangères. La réalité, épurée à son point le plus extrême, s'impose malgré la simplification des formes. Elle renoue avec le goût des harmonies colorées très élaborées et des savantes compositions où l'équilibre se réfère à la grande tradition picturale. Lauréat de l'Ecole supérieure des Beaux arts de Casablanca, et moderniste illuminé, Kabbaj est préoccupé par la boulimie artistique universelle, ce qui lui donne le sentiment d'être parmi les citoyens de l'univers. Il a pu améliorer et approfondir une démarche plastique originale focalisée sur la problématique de la lumière de l'abstraction. Dans cette tentative, il ouvre un champ libre des possibles et des découvertes infinies. Le spectateur averti décèle l'authenticité de cette peinture d'ordre mystique qui s'inscrit presque dans l'épuration spirituelle. Il s'agit d'une peinture bien recherchée qui revêt une importance toute particulière vu son abstraction géométrique à base de signes, de lettres et formes personnalisés. Nous sommes, certes, devant les deux aspects de la peinture moderne, à savoir le formalisme et le chromatisme. La pratique picturale selon Kabbaj se veut la dimension cachée de la spiritualité, par une certaine purification de l'atmosphère. C'est une abstraction synthétique dans ses formes les plus finies, qui se préoccupe d'abord des masses, puis des lumières et des ombres. Elle nous donne l'impression d'une quête excessive du rêve, animée par l'engouement pour la saisie de l'émotion momentanée, tout en assurant l'équilibre voulu entre la maîtrise technique et la spontanéité de l'impression. Artiste discret, Kabbaj est l'auteur d'une œuvre inépuisable ancrée dans la durabilité, sans opter pour la facilité et les tendances conventionnelles d'académisme et de décoratisme stériles. On admire en son travail la maîtrise de composition dynamique et la science de l'ordonnance et du rythme ; un travail qui va centrer ses recherches exclusivement sur le contraste des complémentaires. Un cheminement qui reflète une grande sensibilité. * (critique d'art)