La gouvernance locale à Casablanca va mal. Très mal. Bien plus grave, elle est émaillée de moult dysfonctionnements, de dilapidations de deniers publics, d'abus de confiance et de trafic d'influence. C'est en tout cas ce qui ressort des interventions des élus eux-mêmes lors des sessions ordinaires ou extraordinaires de la commune urbaine ou du Conseil de la Région du Grand Casablanca. Des accusations on ne peut plus graves sont brandies à l'encontre des présidents et des membres des bureaux en place, des dossiers de passation douteuse de marchés sont évoqués et des subventions octroyées à des associations, présidées par des membres de bureau, ou ayant des connexions électorales avec les présidents, ou encore servant de «baltagias» électoraux pour ces derniers. Ce charivari se déroule devant les élus des assemblées générales, les représentants des médias, des chefs de service de ces instances élues, des citoyens et de l'autorité locale, qui est tutelle pour la mairie et ordonnatrice pour le conseil de la Région. Cela est devenu un secret de Polichinelle. Et d'ailleurs, les rapports de la cour des comptes ont mis à nu toutes ces défaillances et épinglé la gestion des deux conseils. A quand le travail des magistrats de la Cour des comptes sera-t-il mené à terme? C'est la question qui revient sur toutes les lèvres des Bidaouis, d'autant plus que les dispositions de la nouvelle constitution sont claires dans ce sens. En attendant cette étape, pourtant fortement soulignée dans la loi fondamentale ayant lié la gestion à la reddition des comptes, d'aucuns s'interrogent sur le sort des plaintes déposées devant le Parquet général de Casablanca contre les présidents de la mairie de Casablanca et de son Conseil régional. Le premier est accusé d'abus de confiance, trafic d'influence et conflit d'intérêts alors que le deuxième serait sur la sellette pour avoir raflé presque toutes les «dérogations» accordées en matière d'urbanisme dans la région qu'il préside depuis le début de ce millénaire. Incroyable, mais vrai. On dirait que les habitants de cette agglomération mouvementée leur ont accordé un véritable blanc-seing, alors qu'ils les ont portés aux commandes des instances en question pour gérer leurs affaires locales, mettre en œuvre la politique de proximité, respecter les lois et la charte communale. Bref, assurer une bonne gouvernance pour la capitale économique du pays qui est pourtant au centre de la politique de l'Etat avec l'ambition de lui assurer une réelle transformation digne des grandes métropoles. Quel paradoxe ? Le tramway démarrera mercredi prochain et croisera sur ses rails des charrettes tirées par des bêtes ! De grands projets structurants (Casablanca Finances City, Marina Casablanca et autres), lancés par le gouvernement, seront bientôt concrétisés, mais en parallèle, la proximité est dramatiquement mise à mal. Et la ville demeure orpheline de ses élites. Et ces parties, ayant fait main basse sur elle, ignorent ou feignent d'ignorer les orientations royales dans ce cadre. Le Souverain avait, d'ailleurs, interpellé la classe politique pour agir dans ce sens. «Les partis nationaux sérieux doivent apporter une contribution active à la préparation et l'encadrement d'élites aptes à assurer la bonne gestion des affaires régionales», avait souligné le Souverain dans son discours adressé à la nation le 20 août 2010.