Après sa prudence sur la révolution tunisienne qui a terni son image, la France s'est offert, en 2011, un retour honorable sur la scène diplomatique internationale en arrachant à l'ONU un précieux “droit” de protéger les civils en Libye, moyennant des frappes aériennes, qui aura permis la chute du régime de Kadhafi, et se trouve désormais en pointe sur le “complexe” dossier syrien. Dès début janvier 2011, le monde s'est réveillé au rythme des contestations populaires en Tunisie qui allaient donner lieu à la première révolution du “printemps arabe”, que personne “n'avait vu venir”. Et en premier lieu la France, ancienne puissance coloniale et premier partenaire du pays, qui n'a pas pu prendre la mesure de l'ampleur de la protestation qui allait chasser du pouvoir le président Ben Ali. La France, toujours réservée, allait encaisser un autre revers, bien que de moindre importance, en Egypte où elle a tardé à appeler au départ de l'ex-président Hosni Moubarak, un allié de taille de l'Occident au Moyen-Orient et co-président de l'Union pour la Méditerranée très chère au président français Nicolas Sarkozy, après les manifestations massives de l'emblématique Place Tahrir, au Caire. Après avoir ménagé les deux présidents déchus au prix d'une sévère détérioration de son image auprès des nouvelles autorités tunisiennes et de l'opinion publique arabe, en général, la France mettra peu de temps pour “se rattraper” et faire oublier ses “ratés”. Ce sera d'autant plus facile que la Libye n'est pas une ancienne colonie française et que son “guide” de l'époque était généralement honni en Occident. Sarkozy-Juppé : Un duo de choc au service de «la responsabilité à protéger» Dès le 27 février, la France opère un sursaut remarquable. Sarkozy remplace sa ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie, engluée dans une polémique politico-médiatique sur ses présumées bénéfices tirés de ses liens avec des proches du clan de Ben Ali. Alain Juppé, son ministre de la Défense et poids lourd de la politique se retrouve alors à la tête du Quai d'Orsay, poste qu'il a déjà occupé entre 1993 et 1995. L'homme, qui ne mâche pas ses mots, se met alors au service de la nouvelle vision de la diplomatie française et du virage interventionniste voulu par le président Sarkozy. Fort de son intervention en Côte d'Ivoire pour rétablir dans son droit le candidat élu à la présidentielle, Alassane Ouattara, Sarkozy a réussi à imposer à la communauté internationale le très controversé “droit d'ingérence” en le liant à “la responsabilité de protéger” les civils. La France, dira alors Sarkozy, devait “accompagner, soutenir et aider” les peuples arabes qui ont choisi d'être libres”. “Entre l'ingérence qui ne serait pas acceptée et l'indifférence qui serait une faute morale et stratégique, il nous faut tout faire pour que l'espérance qui vient de naître ne meure pas car le sort de ces mouvements est encore incertain”, avait-il affirmé dans son discours du 27 février. Sarkozy, devient “chef de guerre” et “libérateur”. Après ce discours “feuille de route”, la diplomatie française s'est mise en ordre de bataille, sous la houlette du duo de choc Sarkozy-Juppé, avec en ligne de mire le régime de Kadhafi, après sa répression du soulèvement de Benghazi et de la Cyrénaïque (est), désormais aux mains des rebelles et en rupture avec la Tripolitaine (ouest), contrôlée par les forces de Kadhafi. Il monte en puissance pour que la France soit le premier pays à reconnaitre le Conseil national de transition (CNT) dès le 10 mars, date d'une audience accordée par Sarkozy à deux de ses dirigeants: Mahmoud Jibril et Ali Essaoui. ... Quelques jours plus tard, la France arrachera au Conseil de sécurité la résolution 1973 qui a instauré une zone d'exclusion aérienne, renforcé les sanctions contre le régime et autorisé les Etats membres à “prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les territoires (y compris Benghazi) sous la menace d'une attaque des forces de Kadhafi”. Après avoir réussi à impliquer Américains et arabes à l'occasion du Sommet de Paris sur le Libye, le 19 mars à Paris, Sarkozy devient “chef de guerre” et la France et la Grande Bretagne fer de lance de l'intervention militaire de l'OTAN qui, à la faveur de ses frappes aériennes, a permis de bloquer la marche des troupes de Kadhafi vers Benghazi et de favoriser l'avancée des rebelles vers l'ouest. Au bout de cinq mois de combats sanglants, les insurgés s'emparent des bastions kadhafistes l'un après l'autre jusqu'à ce qu'ils entrent, fin août, à Tripoli dont la chute sonnera le glas du régime. Avant que le dictateur, toujours en fuite, ne soit capturé dans son fief natal de Syrte puis tué dans un lynchage public le 20 octobre, Sarkozy aborde déjà l'après-Kadhafi en recevant, le 1er septembre à Paris, les représentants d'une soixantaine d'Etats et d'organisations internationales pour soutenir la Libye nouvelle qui a notamment décidé le dégel des avoirs du régime en faveur du CNT, reconnu par la communauté internationale comme représentant légitime du peuple libyen. Alors que les combats faisaient toujours rage à Syrte, Sarkozy n'hésite pas à se rendre, en compagnie de son allié, le PM britannique David Cameron, à Tripoli puis à Benghazi où il est accueilli en libérateur par la jeunesse, enfin débarrassé d'un tyran après 42 ans au pouvoir. La France salue le «succès majeur» des réformes au Maroc, ne désespère pas sur la Syrie Dans la lancée, la France veille à rester active sur le plan diplomatique pour soutenir les mutations en cours sur la rive sud de la Méditerranée et conforter les transitions démocratiques en Tunisie, en Egypte et en Libye. Forte de sa présidence du G8, elle pousse à la mise en place d'un mécanisme pour accompagner ces changements à travers “le Partenariat de Deauville”. Et c'est dans ce cadre que le président Sarkozy invitera le Maroc, après le référendum constitutionnel du 1er juillet, à rejoindre ce partenariat et salue le “succès majeur” de cette réforme qui s'inscrit dans le cadre d'un “processus exemplaire par lequel le Maroc poursuit résolument et pacifiquement son approfondissement démocratique”. La France, par la voix d'Alain Juppé, a également salué le bon déroulement des premières élections au Maroc, en Tunisie et en Egypte après le printemps arabe, tout en plaidant pour une relation de “confiance”, mais aussi de “vigilance” avec les nouvelles forces au pouvoir, les islamistes. Toujours sur le qui-vive, la France a opéré un changement majeur dans ses relations avec le président Bachar al-Assad que Sarkozy voulait réintégrer dans la communauté internationale en l'invitant aux cérémonies de la fête nationale de son pays, le 14 juillet 2008, et au sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée. Mais face à la répression sanglante que mène son régime contre les manifestations pacifiques de son peuple depuis mars dernier, la France a multiplié les déclarations condamnant “l'entêtement” d'un régime “complètement autiste” et s'est activée sur tous les plans pour amener la communauté internationale à agir, ce qui a provoqué l'agression de son ambassadeur à Damas et des manifestations contre ses représentations diplomatiques dans le pays. Au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU, les Occidentaux, à leur tête la France, se heurtent aux Chinois et aux Russes, alliés historiques du régime syrien qui opposent leur véto à toute résolution hostile à Assad. Mais le 15 décembre, la Russie a créé la surprise en proposant une résolution sur la Syrie qui, bien que “déséquilibrée” et “creuse” selon l'ambassadeur de France à l'ONU, dénote d'un revirement dans la position de Moscou et d'un début d'isolement pour le régime syrien.