La vigilance doit être de mise car plusieurs indicateurs ne sont pas encourageants L'actuel projet intervient dans un contexte national et international difficile Le PLF n'est ni un budget de récession, ni de relance de l'économie Les participants à une journée d'étude sur le projet de loi de finances 2013, initiée par le groupe du progrès démocratique à la Chambre des représentants et l'Alliance socialiste à la chambre des Conseillers ont souligné que le contexte actuel ayant marqué l'élaboration dudit projet est difficile. Cet état des choses s'explique par la conjoncture économique qui prévaut actuellement chez les partenaires économiques et commerciaux du Maroc dans la zone euro (Espagne, France, Portugal, Italie, Grèce, etc.) et qui est en passe de se transformer en récession. De même, les indicateurs économiques, financiers et sociaux internes ne sont pas au beau fixe. Selon le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdellah, également ministre de l'Habitant, de l'urbanisme et de la politique de la ville, il faut toujours avoir à l'esprit l'aggravation de la crise économique chez les principaux partenaires du Maroc pour saisir les paramètres selon lesquels le projet a été élaboré. Une situation sous contrôle Au plan interne, a-t-il rappelé, la situation est on ne peut plus difficile avec des indicateurs forts inquiétants (déficit de la balance des paiements, déficit de la balance commerciale, ralentissement du rythme de croissance, etc.). Toutefois, la situation est encore sous contrôle, a-t-il dit, rappelant que les dernières pluies ont renforcé l'espoir d'avoir une bonne récolte cette année et de permettre au pays de gagner 2 ou 2,5 points en termes de croissance. Mais la vigilance doit être de mise en adoptant les mesures nécessaires pour préserver l'indépendance du pays en matière de gestion de son économie, a-t-il dit, relevant que le PLF 2013 n'est ni un projet de relance de l'économie ni un budget d'austérité. Malgré cela, le projet comporte un certain nombre de dispositions soutenables, mais également d'autres pouvant être améliorées, a-t-il dit, estimant nécessaire pour le gouvernement d'activer la réalisation d'un certain nombre de réformes (caisse de compensation, caisses des retraites, réforme fiscale, loi organique des finances) pour créer de meilleures conditions de travail de l'équipe gouvernementale. Par la suite, les intervenants ont suivi un exposé d'Abdeslam Seddiki, membre du Bureau politique du PPS, dans lequel il a détaillé les données ayant présidé à l'élaboration du PLF 2013, précisant que le contexte actuel dans lequel intervient ce projet est difficile. Pour lui, la crise actuelle n'est plus seulement financière, mais également économique, et n'épargne plus les pays émergents (Brésil, Chine, Inde, etc.). La croissance mondiale va diminuer de 3,8 % en 2011 à 3,3 % en 2012 avant d'augmenter à 3,6 % en 2013, a-t-il dit. Dans la zone euro, le taux de croissance va diminuer de 1,4 % en 2011 à -0,4 % en 2012 et à 0,2 % en 2013. Quant aux cours mondiaux du pétrole, ils vont varier entre 105 à 106 dollars le baril. Il est à craindre aussi une flambée des produits alimentaires de large consommation, a-t-il relevé. Les répercussions de cette crise sur l'économie marocaine devront se traduire par une baisse de la croissance économique de 5% en 2011 à 3 % en 2012, ainsi que par une aggravation du déficit chronique de la balance commerciale (les exportations ne couvrent plus que 48,3 % des importations), du déficit de la balance des paiements (8 % du PIB) et une baisse des avoirs extérieurs (4 mois d'importations) ainsi que par un déficit budgétaire de 6,1 %, en raison notamment de la baisse des transferts des MRE et de la baisse des recettes touristiques. Il devra en résulter, a-t-il conclu, une aggravation du chômage dans le pays. Ces difficultés s'expliquent, ne serait-ce qu'en partie, a-t-il estimé, par le fait que le gouvernement n'a pas procédé aux réformes prévues dans le programme gouvernemental dont la réforme fiscale, la réforme de la Caisse de compensation, la réforme du régime des retraites et la réforme de la loi organique des finances. Toutes ces réformes et d'autres, qui ont un effet évident sur la structure du budget et l'orientation des politiques publiques, sont renvoyées dans le meilleur des cas à l'année 2013, a-t-il ajouté. Selon lui, il s'agit d'un budget normal par son architecture, par la structure des recettes et des dépenses avec quelques «nouveautés» pas souvent heureuses. Le PLF 2013, a-t-il dit, n'est ni un budget d'austérité, ni un budget de relance «anticrise», ni un budget de «transition». Le conférencier s'est également arrêté sur le manque de convergence entre les grands projets concernant les grands chantiers en cours dans le pays, notant par ailleurs que les comptes spéciaux du trésor posent un autre problème devant être traité dans le cadre de la loi organique des finances tant attendue. Des caisses à retraiter Pour sa part, Abdelouahed Souhail, membre du BP du PPS et ministre de l'emploi et de la formation professionnelle a indiqué que la situation aussi bien au Maroc qu'ailleurs est difficile, ce qui a contribué à aggraver le déficit de la balance commerciale, de la balance des paiements et d'autres indicateurs au Maroc. Evoquant le projet de réformes des régimes des retraites, il a rappelé qu'il est urgent de s'attaquer en premier lieu à la situation de la Caisse marocaine de retraite (CMR), dont le déficit a atteint un seuil intolérable en attendant de traiter la situation des autres caisses (RCAR, CNSS, CIMR). Dans le cadre de ce projet, plusieurs solutions sont possibles, a-t-il indiqué, ajoutant qu'il est peut-être opportun dans le cas marocain de relever l'âge de la retraite à 62 ou 63 ans et de revoir à la hausse les cotisations des salariés et des établissements à caisses de retraite. Il a en outre rappelé que toutes les tentatives de réforme de la Caisse de compensation n'ont pas abouti aux résultats escomptés en raison de diverses difficultés, ajoutant que le gouvernement actuel fait de son mieux pour y parvenir dans le but notamment de consacrer à l'investissement, dans le cadre du PLF 2013, la même enveloppe de quelque 180 milliards de dirhams que l'an dernier. Il a fait savoir à ce propos que le gouvernement s'achemine cette année vers l'endettement extérieur, ce qui porte le risque de voir le pays perdre son indépendance décisionnelle en la matière, a-t-il affirmé. C'est donc sans démagogie aucune qu'il faut procéder à l'évaluation du présent projet de loi de finances tout en formulant les propositions nécessaires à son amélioration, a souligné M. Souhail. Pour sa part, le ministre de la Sante, le Pr El Houssaine Louardi a d'emblée fait savoir que le PLF 2013 n'a réservé que 2300 postes budgétaires à son département au lieu de 4302 postes demandés, ce qui ne manquera pas d'aggraver la situation et de rendre difficile la réalisation de nombre de projets dont celui du RAMED. Sans présence en permanence du personnel médical et paramédical dans les établissements de la santé, et sans médicaments nécessaires en quantités suffisantes, il est illusoire de vouloir atteindre les objectifs du RAMED, devant bénéficier à quelque 8,5 millions de Marocains dans le besoin, a-t-il dit. Et c'est dans ce cadre qu'intervient la décision annoncée d'interdire au personnel médical, paramédical et enseignant-chercheur d'exercer dans le privé, a-t-il expliqué. Il a fait savoir à ce propos qu'un effort exceptionnel est fourni par le ministère pour doter les établissements hospitaliers en quantités suffisantes de médicaments et d'instruments d'examen (plus de 1 milliard de dirhams cette année), précisant que son département juge prioritaire d'améliorer la situation des urgences dans le pays ainsi dans les établissements psychiatriques. Il a également souligné la portée de la baisse des prix des médicaments (320 médicaments annoncés dans une première phase) sur le pouvoir d'achat des larges couches de la population et leur médication. Diverses autres questions ayant trait aux chantiers de la réforme de la loi organique des finances, de la loi organique de la régionalisation, de la Caisse de compensation, des caisses de retraites et du régime fiscal ont été abordées par les participants à cette rencontre, qui s'est déroulée sous la présidence de Rachid Rokbane, président du groupe du Progrès démocratique à la première Chambre, de M. Larbi Kharbouche, président de l'Alliance socialiste. Ce dernier a insisté dans son allocution d'ouverture sur la portée de cette rencontre et la nécessité pour les parlementaires des deux groupes d'enrichir le PLF 2013 par leurs propositions. La rencontre a été marquée aussi par la présence de M. Driss Toulali, qui a exprimé à cette occasion le soutien de son parti de l'Unité et de la démocratie à la vision du PPS à ce sujet.