Base d'une bonne gouvernance financière ou tentative de mise sous tutelle Bien que la circulaire sur le partenariat entre l'Etat et les associations, préparée par le ministère chargé des relations avec le parlement et la société civile, est encore au stade de projet, elle n'en soulève pas moins une vive polémique dans les milieux associatifs. Nombreuses sont les ONG qui y voient une tentative de mise sous tutelle de la société civile et une forme d'interférence dans les prérogatives qui lui sont nouvellement conférées par la Constitution de 2011, en particulier en ce qui concerne la participation au processus d'élaboration des politiques publiques. A peine dévoilé par le ministère avec pour finalités, assure-t-on, d'instaurer, entre autres, des règles de transparence dans la gestion et le fonctionnement des organisations de la société civile, le projet de circulaire a suscité une levée de bouclier dans certains milieux associatifs. Plusieurs associations ont vite crié leur rejet du projet, arguant d'une volonté de mise sous contrôle des associations et d'une entrave à l'accomplissement du rôle qui leur a été dévolues par la nouvelle Loi fondamentale. Dans ce sens, un collectif de 350 associations a rendu public une Déclaration de Rabat des associations démocratiques, dans laquelle il s'en prend au projet de circulaire, dont nombre de dispositions sont qualifiées d'interférence directe dans les attributions constitutionnelles et légales des institutions concernées. Plusieurs articles du projet de circulaire réduisent la mission des associations à la prestation de services et conditionnent de ce fait le financement des ONG à cette fonction en droite ligne du programme du gouvernement, avance Aberrahim chaheed, membre du collectif. Vu sous cet angle, les associations deviendraient ainsi de simples outils pour l'exécution des politiques du gouvernement, soutient-il dans un entretien à la MAP. L'entrée en vigueur de cette circulaire risque, insiste cet acteur associatif, de transformer les ONG en associations de sous-traitance similaires aux sociétés de sous-traitance et d'en faire ainsi des outils pour appliquer les politiques tracées par le gouvernement. Tout en insistant que le collectif des associations démocratiques ne craint aucune démarche qui vise à établir des règles de transparence et de bonne gouvernance, M. Chaheed maintient que tout nouveau texte de loi dans ce sens doit prendre en compte l'actif des associations sur le terrain ainsi que les difficultés qui entravent leur action. Il a proposé, a cet égard, que la circulaire instaurant le partenariat entre l'Etat et les associations soit l'aboutissement d'un dialogue profond et serein entre les parties concernées en droite ligne du rôle avancé conféré par la constitution à la société civile, laquelle a toujours œuvré, a-t-il dit, en dépit de moyens limités, dans des domaine important comme la sphère sociale et dans la promotion de la démocratie et des droits et de l'homme. Toute tentation de revenir sur ces acquis serait contraire à l'esprit de la constitution et aux valeurs universelles, soutient-il. Réagissant à ces critiques, le ministre chargé des relations avec le Parlement et la société civile, El Habib Choubani, a qualifié la réaction de ces associations à la fois de précipitée et d'immature et prématurée car il s'agit d'un document encore en phase d'étude et de concertation au sein du gouvernement. Dans un entretien à la MAP, le ministre a insisté sur la nécessité d'attendre en premier lieu la publication officielle du projet qui sera ensuite soumis aux associations pour concertations. Le gouvernement planche, a-t-il dit, sur la finalisation d'un nouveau projet de partenariat entre l'Etat et les ONG visant à instaurer les règles de la bonne gouvernance au niveau de la transparence, de l'égalité des chances, et du contrôle financier. Devant la Chambre des représentants, M. Choubani avait indiqué que parmi les mesures prévues à cet égard figurent notamment la promulgation d'un décret relatif à la reddition des comptes des ONG et la mise en place de mécanismes de coordination entre Bank Al-Maghrib et l'Office de change pour le contrôle des financements étrangers. Se référant aux résultats d'une enquête menée par le Haut Commissariat au Plan (HCP) en 2007, il a relevé l'existence de grands dysfonctionnements dans la gestion des associations, en particulier sur le plan financier. Près de 75 pc des associations ne présentent aucun rapport sur leur situation ni sur leurs transactions financières, a-t-il noté citant l'étude du HCP. En 2010 et 2011, et pour le seul secteur public, à l'exception de l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et la relation avec les collectivités territoriales, 1.200 associations ont bénéficié en moyenne de 88 milliards de centimes environ, soit un taux de couverture qui ne dépasse pas 1,5 pc du total des associations, a indiqué M. Choubani. Ce dysfonctionnement doit être corrigé, a-t-il dit, dans le respect du principe de l'égalité des chances. Reste que d'un point de vue académique, il est pour le moins difficile de porter un jugement sur un projet de loi encore en gestation car les textes de loi en règle générale, comme le signale l'universitaire Abdelaziz Krafi, subissent des modifications et des amendements au fur et à mesure des débats précédant leur adoption finale. Aucun texte de loi sur ce sujet ne peut aller a l'encontre des dispositions des articles 12,14 et 139 de la nouvelle constitution qui ne fait référence, ni de près ni de loin, à aucune tutelle sur la société civile, précise-t-il comme pour rassurer les ONG qui appréhendent la sortie de cette circulaire. En dépit des divergences qui peuvent surgir de temps en temps entre l'Etat et les associations, la société civile demeure un acteur incontournable des instances publiques, preuve en est les prérogatives qui lui sont attribuées par la constitution qui jettent les bases d'une nouvelle relation fondée sur la complémentarité et le consensus sur les principes fondamentaux d'une société démocratique et moderniste.