L'Espagne est en pleine récession économique. Il n'y a plus de travail, dans nombre de faubourgs et de métropoles ibériques. Le chômage bat son plein et affecte, de plus en plus, des ménages et des entreprises. Plus de cinq millions de foyers dont une bonne partie des marocains, perdent l'emploi et endurent les affres de la vie endettée. Lassés de cette situation chaotique, nos concitoyens se procurent des utilitaires, enchainent par des ferrys bondés et rentrent au bercail. Ce sont alors des milliers de compatriotes qui fuient les supplices « du paradis », enseveli dans le linceul de la privation. Ce n'est, en fait, que partie remise, car ils ne font qu'éviter Scylla pour tomber dans Charybde. Les écueils de la mère-patrie sont tels qu'ils ne savent plus à quel saint se vouer. La scolarité des enfants, les sévices de l'administration, l'intégration dans le nouveau vécu...sont, entre autres, les nouvelles préoccupations des émigrés abattus par la déconvenue. Au fil des jours, ils se familiarisent au train-train de la physionomie marocaine, entachée d'imposture. Avec les économies qu'ils ont pu collecter durant leurs années de trimes, ils comptent rebâtir leur nouvelle vie sous le toit du bled. Ravagés par l'échec au pays d'accueil, ils se sentent pareillement minés par la désillusion dans le pays d'origine. Malmenés par ce service public, maltraités par cette administration, fustigés par des lascars, ces revenants désemparés s'affrontent aux déficiences des valeurs qui gagnent les rapports des individus, rudoyés, eux aussi, par les tares du dénuement. Le phénomène ne fait alors que commencer. Les fuyards « de l'enfer » d'outre-mer regagnent leur terroir natal, après avoir entassé les chèques impayés et hypothéqué leur raison de vivre. Le retour est inéluctable et ils seront, sans doute, des dizaines de milliers à le faire, puisque le bout du tunnel n'est pas pour demain. « Le Maroc a beaucoup évolué depuis que la démocratie est en passe de s'installer pour de bon. Des opportunités d'investissement s'avèrent tentants », se consoleraient des marocains en détresse, meurtris par la crise européenne. Cependant, qu'avons-nous préparé à ce déferlement de ces émigrés assaillis par la faillite et à leurs fonds cumulés pendant longtemps à l'exil ? Un débat national autour de cette problématique qui ne fait que s'amplifier, devrait s'enclencher au plus vite pour mettre en œuvre une nouvelle stratégie d'intégration concertée à ce flux inopiné. La politique nationale des migrations est donc appelée à tenir en compte de la crise européenne et de la réinsertion des compatriotes dans le tissu économique, social et culturel. Il s'agit, en effet, de deux volets intimement liés dans le retour en masse des marocains au bas de leurs malheurs. D'abord, l'élément humain qu'il va falloir réhabiliter dans sa dignité et son bien être. Ensuite, le capital financier qu'il serait opportun de renflouer à bon escient. Pour les deux facteurs essentiels dans l'opération de récupération des immigrants, il est impérieux de faire preuve de civisme et loyauté. Tous les services concernés, autour du département de tutelle, sont à même de répondre à ces exigences de haute acuité. Le cauchemar de la crise ne devra, en aucun cas, perdurer chez nos compatriotes qui, certes, ont choisi de vivre ailleurs, mais, ils demeurent aussi les nôtres et il convient de s'en rendre à l'évidence.