Le Festival de Fès des musiques sacrées du monde a gardé une partie du meilleur pour la fin, en donnant aux adultes la chance inouïe de retrouver en live l'une des leaders du mouvement «Peace and love» et aux jeunes de faire connaissance avec l'une des légendes de la chanson mondiale engagée. La fabuleuse «protest singer» américaine Joan Baez était samedi soir à la splendide place Bab Al Makina. Histoire de découvrir une autre expression de pureté, après une huitaine tout en spiritualité ouverte, vendredi 8 juin, par une sublime scénographie intitulée «Sois heureux un instant» en hommage au grand soufi Omar Al Khayyam. Avec sa désormais éternelle petite coupe de cheveux et la simplicité de ses vêtements une sobre longue robe noire et un châle rouge-, loin des frasques de la génération «Woodstock», elle répand son message de paix, d'amour et de tolérance, partout où elle voyage. Un combat qu'elle commença très tôt avec la Marche sur Washington pour le travail et la liberté, qui eut lieu le 28 août 1963, au cours de laquelle Martin Luther King avait fait son discours historique «I have a dream». Pour l'occasion, Joan Baez y chantera notamment «We shall overcome». Dans son plaidoyer pour les causes justes comme sur scène, elle dégage la même énergie et la même détermination. Par sa voix douce et mélodieuse, elle est l'authentique ambassadrice du folk, cette musique populaire américaine traditionnelle maintenant en vie la culture du terroir. Acquis corps et âme à sa cause, le public de Bab Al Makina a accueilli la septuagénaire par un standing-ovation, à la mesure de la générosité de celle qui peut se produire, avec grâce, devant 50.000 ou 500 spectateurs, comme elle l'a fait quand elle est venue apporter son soutien aux militants du mouvement «Occupy Wall Street» à New York. Longuement applaudie quand elle a dit sa désapprobation des va-t-en-guerres et son mépris pour ceux qui ont tout et qui ne regardent pas vers ceux qui n'ont rien, Joan Baez était accompagnée de sa «big band» formée de deux musiciens seulement, un percussionniste et un multi-instrumentiste qui passe du banjo au clavier et à l'accordéon. Ce soir-là, Joan Baez a arrêté la machine de temps dans les années 1960 et 1970, chantant des chansons faisant un hymne à la foi et entretenant la flamme de la protestation sociale. Parmi les plus beaux morceaux joués par la «madone des pauvres», il y a «God is God» de Steve Earle, la ballade de Marie Madeleine de Richard Shindell, le fameux «God on our side» de Bob Dylan et «Gracias a la Vida», sans oublier les grands classiques comme «Here's to you», «Diamond and Rust» et «Blowing in the wind». Grosse surprise de ce concert de clôture, Baez va chanter en arabe. Elle a interprété la célèbre chanson populaire tunisienne «Jari ya hammouda» d'Ahmed Hamza, avant de terminer son concert par l'immortelle «Imagine», chantée en chœur par le public. Comme soucieuse d'assurer la relève de la guitare sèche, elle a laissé sa place sur scène à la jeune française Marie-Flore, dont le talent et la voix lui promettent un avenir des plus radieux. En provenance d'un petit village de 140 habitants du sud de l'Hexagone, Marie-Flore maîtrise parfaitement bien le tempo latino-américain, tant par la voix que par le jeu. Le nom de Joan Baez est intimement lié à Bob Dylan, l'autre géant de la musique populaire américaine, qu'elle portera vers l'ascension et dont elle sera la fidèle interprète de ces chansons les plus historiques dont le magnifique «With God on Our Side» ou plus tard «Farewell Angelina». Tout au long de sa longue carrière, elle n'a eu de cesse de militer pour les droits de l'homme. En 1972, elle se rend au Vietnam en plein bombardement sur la ville d'Hanoï et continuera ensuite sa lutte pour la liberté et contre la peine de mort à travers le monde, dont Sarajevo en 1993. Militante d'Amnesty International, elle a aussi créé sa propre association Humanitas International. Née à Staten Island, New York, le 9 juillet 1941, Joan Baez commence sa carrière musicale autour de ses 18 ans. Plus tard, ses actions militantes l'ont érigé en symbole de la contre-culture des années 1960 et son engagement est reconnu par tous mais surtout par l'Administration américaine qui la suit de près. Elle continuera à dénoncer toute forme de fascisme tout au long de sa carrière et des disques qui la jalonneront. Elle est régulièrement en tournée et toujours occupée par ses engagements. En 2008, Joan Baez sort «Day After Tomorrow», son 24ème album studio, qui couronne une riche carrière émaillée par des solos somptueux et des duos somptueux.