Les télé-feuilletons turcs, qui ont envahi ces dernières années le monde arabe, sont devenus le “soft power” de la diplomatie turque, qui fait la promotion de l'image de la Turquie et permet une entrée en devises importante, générée aussi bien par les ventes de la production artistique turque que par le flux des touristes, qui viennent par millions chaque année admirer de visu la Turquie et le style de vie des Turcs véhiculé par ces téléfilms. Des séries célèbres, telles que “Siècle magnifique”, “l'Amour interdit”, “la vallée des loups” ou “la chute des feuilles”, ont enregistré des taux d'audience jamais égalés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dépassant de loin les séries américaines, égyptiennes, syriennes et mexicaines, qui avaient la cote auparavant dans cette région. En 2010, le dernier épisode de la série “Nour” a été suivi par 85 millions téléspectateurs de la Syrie au Maroc, selon la presse turque, qui cite le site Internet “dailybeast.com”. Ce genre de téléfilms a amplement contribué à promouvoir l'image de la Turquie et son influence à l'extérieur pour devenir le “soft power” de la diplomatie turque, occupée ces derniers mois par les nouveaux développements dans le monde arabe, qui entame une phase de transition politique profonde où la Turquie semble ne pas vouloir rester un simple observateur des événements. La riche production artistique turque caractérise l'essor que vit le paysage culturel de la Turquie, qui s'inscrit dans le sillage du progrès que connait le pays dans plusieurs autres domaines, notamment commercial, industriel, social. “Avec la progression des ventes à l'étranger des feuilletons turcs, l'apprentissage de la langue et de la culture turques est devenu très importants dans les pays arabes et les Balkans. C'est ce que nous appelons le +soft power+ dans le contexte de l'industrie culturelle”, estime Nilufer Narli, sociologue turc, professeur à l'université de Bahçesehir à Istanbul. D'aucuns n'hésitent pas à qualifier la montée en puissance de séries télévisées turques comme d”arme secrète” du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a gagné en popularité ces dernières années notamment dans son voisinage arabe. L'engouement des téléspectateurs arabes pour les “soap operas” turcs s'explique essentiellement par la proximité culturelle entre le monde arabe et la Turquie. Une jeune égyptienne, une femme au foyer jordanienne, un étudiant marocain ou un commerçant syrien, s'identifient facilement à un héro ou une héroïne turcs, qu'à des stars américaines ou françaises. Ce rapprochement culturel fait donc le bonheur des sociétés de production turques qui connaissent un fort développement ces dernières années. Selon des statistiques rendues publiques par le secteur, la Turquie a commercialisé, durant l'année en cours, plus de 100 télé-feuilletons dans 20 pays, ce qui a généré plus de 60 millions de dollars pour le pays. Le prix de l'épisode varie entre 500 et 15.000 dollars, indique Firat Gulgen, directeur de “Calinos Holding”, une société de production qui s'accapare 80 pc du secteur des téléfilms turcs à l'exportation. Le printemps arabe semble affecter les ventes des télé-feuilletons turcs, mais d'autres marchés commencent à ouvrir leurs portes à la production turque, comme les pays des Balkans et de l'Extrême-Orient, estime-t-il. Outre les pays arabes, les téléfilms turcs sont suivis dans plusieurs pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est comme la Serbie, la Croatie, la République Chèque, la Roumanie, la Pologne et la Hongrie, ainsi que dans des pays asiatiques tels que la Malaisie, l'Indonésie, Taiwan, la Thaïlande, Singapour, le Japon et le Vietnam, précise-t-il. Avec cette percée notable essentiellement dans le monde arabe, les téléfilms turcs contribuent à créer plus d'attachement entre la Turquie et les pays arabes et à renforcer la compréhension entre ces deux régions, qui se sont ignorées pendant plusieurs décennies, malgré les multiples liens qui les unissent. La Turquie et les pays arabes, qui partagent une histoire commune, la religion, la géographie, sont promis à un avenir commun qui s'annonce prospère et mutuellement bénéfique avec le rapprochement économique et politique qui s'est opéré ces dernières années entre eux. Les téléfilms turcs ne sont donc que le catalyseur de cette volonté commune de construire un avenir commun basé sur le respect mutuel, le rapprochement entre les deux peuples et une économie forte et complémentaire.