Un élan d'émotion et de solidarité fait suite, au Maroc, au drame vécu par Khadija Okkarou. Cette adolescente de 17 ans dit avoir subi un viol collectif et des tortures, perpétrées par une quinzaine d'hommes de son village d'Oulad Ayad, dans le centre du Maroc. La jeune fille a réussi à s'échapper vers la mi-août et a déposé plainte. Le témoignage vidéo dans lequel elle affirme avoir été enlevée, séquestrée, violée, tatouée de force et martyrisée pendant deux mois a suscité une grande mobilisation sur les réseaux sociaux. Une pétition pour lui venir en aide et obtenir « justice pour elle » a recueilli plus de 50.000 signatures en quelques jours. Des propositions d'interventions médicales gratuites ont afflué, selon la NSAT, une association d'aide aux femmes victimes de violences qui a décidé de la soutenir. Accusée de mensonge par les proches des suspects Douze de ses bourreaux présumés, âgés de 18 à 28 ans, ont été placés en détention préventive. Ils sont visés par différents chefs de poursuite (« traite d'être humain sur mineure », « viol », « menace de meurtre », « torture et usage d'arme causant des blessures et séquelles psychiques », « constitution d'une bande organisée, enlèvement et séquestration », « non-dénonciation de crime », « non-assistance à personne en danger »). L'un d'eux « a un casier judiciaire » lié à des questions de drogue, selon l'avocat de la victime. Mais au Maroc, les victimes de viol sont souvent considérées comme les premières coupables par une société empreinte de valeurs traditionnelles. Et ces derniers jours, les parents des suspects ont multiplié les déclarations à la presse marocaine en accusant Khadija de mensonge. La mère des deux principaux suspects, mineurs comme la jeune fille, a affirmé dans un entretien filmé par Sultana.ma et rapporté par Le Desk, que celle-ci avait fugué du domicile familial et fréquentait ceux qu'elle accuse. Une demande d'expertise médicale Dans une tribune, l'écrivain marocain Abdellah Taïa s'indigne de cette double peine infligée à la jeune victime : « De toute façon, la vie de Khadija est déjà finie. Ruinée. Personne ne voudra d'elle. Personne ne voudra s'approcher d'une pestiférée marquée à vie dans sa propre chair ». Plusieurs personnalités comme Leïla Slimani, Tahar Ben Jelloun ou Mahi Binbine ont signé le texte intitulé « Viol de la fille aux tatouages : qui va sauver les femmes marocaines ? » et publié dans différents médias en France et au Maroc. Quant à la jeune fille, elle « doit bénéficier d'un accompagnement psychiatrique car elle est solide mais perturbée », indique un médecin qui l'a examinée, le Dr Abdenbi Halmaoui. Son avocat, Me Brahim Hachane, compte demander « une expertise médicale pour définir ses séquelles psychiques et physiques » quand le juge d'instruction chargé de l'affaire au parquet de Beni Mellal organisera la première audition, le 6 septembre prochain. L'avocat affirme avoir lui-même « constaté des brûlures et des tatouages sur son corps ».