Le Congrès national africain (ANC) a décidé de « révoquer » le président Jacob Zuma. Le parti a annoncé sa volonté d'engager « les procédures parlementaires nécessaires qui découlent des cette décision ». Ce qui devrait conduire à un nouveau vote de défiance si le président sud-africain n'accepte pas de démissionner. Le Comité national exécutif (NEC) a décidé de révoquer Jacob Zuma, a annoncé ce mardi lors d'une conférence de presse le Dr Ace Sekgobelo Elias Magashule, secrétaire général de l'ANC. La décision a été prise à l'issue d'une réunion-marathon à huis clos de treize heures de la direction du parti dans un hôtel de Pretoria. Selon le Dr Magashule, Jacob Zuma aurait réclamé un délai de « trois à six mois » avant de quitter le pouvoir. Un délai sur lequel « nous n'étions pas d'accord », précise-t-il. Une réponse de Jacob Zuma, qui ne s'est pour l'instant pas exprimé sur cette révocation, est attendue « demain » (mercredi 14 février) par l'ANC. Vers un vote de défiance au Parlement Selon les statuts du parti, l'ANC a le pouvoir de « révoquer » (« recall ») ses membres délégués à une fonction gouvernementale. Il avait déjà fait usage de cette prérogative en 2008 pour le président Thabo Mbeki, qui avait obtempéré et accepté de démissionner. Mais le chef de l'Etat n'est toutefois pas obligé d'accepter cette décision. Dans ce cas, l'ANC peut alors décider de présenter devant l'Assemblée nationale une motion de défiance. Ce texte peut être adopté à la majorité absolue et contraindrait Jacob Zuma à partir. Lors de sa conférence de presse, Dr Ace Sekgobelo Elias Magashule a précisé que l'ANC allait engager « les procédures parlementaires nécessaires qui découlent des cette décision », ouvrant donc la porte à un nouveau vote de défiance. Elu en décembre, le nouveau patron de l'ANC, Cyril Ramaphosa, essaie vainement depuis plusieurs semaines d'obtenir le départ anticipé du président, dont le deuxième mandat s'achève normalement à l'issue des élections générales prévues en 2019. La résistance de Jacob Zuma Quelle sera l'attitude de Jacob Zuma ? Empêtré dans de nombreux scandales de corruption, celui-ci a jusqu'à présent toujours refusé de se plier aux exigences de son parti. Lundi soir, Cyril Ramaphosa avait une nouvelle fois rencontré Jacob Zuma pour lui demander de se démettre dans les quarante-huit heures. Mais il s'est heurté à une fin de non-recevoir. La résistance du chef de l'Etat a plongé le pays dans une grave crise politique, qui s'est notamment manifestée par le report, la semaine dernière, du discours présidentiel annuel sur l'état de la nation, une première dans l'histoire de l'Afrique du Sud démocratique. « Nous savons que vous voulez tourner la page », a concédé dimanche Cyril Ramaphosa devant des milliers de partisans de l'ANC réunis pour les 100 ans de la naissance de Nelson Mandela, le père de la nation « arc-en-ciel ». « C'est le souhait de notre peuple de finaliser tout ça et c'est précisément ce que le NEC va faire », avait promis celui qui succéderait à Jacob Zuma en cas de démission du président. L'impatience de l'opposition Impatiente, l'opposition, qui demande depuis des années le départ de l'actuel président, est allée plus loin en exigeant lundi la dissolution du Parlement et la tenue d'élections anticipées. « Il est important que le Parlement soit dissout et que nous repartions de zéro », a déclaré Kenneth Meshoe, chef du Parti démocratique chrétien africain (ACDP). « Parce que s'il est remplacé par son vice-président Cyril Ramaphosa, le même groupe de personnes qui défendent et protègent la corruption seront au pouvoir », a-t-il justifié. L'opposition a aussi réclamé que soit avancée une motion de défiance, inscrite à l'ordre du jour du Parlement le 22 février. Des demandes qualifiées de « manœuvres opportunistes » par le Dr Ace Sekgobelo Elias Magashule. « Instinct de survie » Même si la fin de son règne semblait proche, le président Zuma reste soutenu par un carré de fidèles. « Ils ont atteint le pic de leur carrière politique, certains sont visés par des plaintes (...), ils sont animés par leur seul instinct de survie », a résumé Somadoda Fikeni, analyste politique. Le patron de l'ANC a d'ailleurs reconnu dimanche que son parti traversait une période de « désunion et de discorde ». L'autorité du président Zuma a commencé à vaciller depuis l'élection en décembre de Cyril Ramaphosa qui lui a succédé à la tête de l'ANC, au pouvoir en Afrique du Sud depuis l'avènement de la démocratie en 1994. Pour l'actuel vice-président sud-africain, la mise à l'écart de Jacob Zuma est la condition incontournable pour redorer le blason du parti avant les élections générales de 2019.