Mexique . Le duel s'annonce serré pour la présidentielle de dimanche. Léger avantage à Andres Manuel Lopez Obrador, candidat de la gauche face à Felipe Calderon pour la droite. « Si j'avais une soeur mère célibataire, je voterais pour le "Péjé" [prononcer "péjé" - surnom donné à Andrés Manuel Lopez Obrador, le pez lagarto étant un poisson des rivières de Tabasco - NDLR] parce qu'il leur a redonné une dignité en les aidant, elles et leurs enfants. Si j'avais un fils en âge de rentrer au lycée, je voterais pour le "Péjé" parce qu'il a créé des centres universitaires de qualité pour les jeunes. Mais je n'ai ni soeur ni fils. J'ai, par contre, une mère âgée qui reçoit, depuis six ans, une aide équivalant presque à un salaire minimum [110 euros] qui lui permet de se payer à manger. Et moi, je suis taxi depuis quinze ans et j'ai vu les travaux de viabilité qui ont été réalisés pendant son mandat de maire, des travaux dont on parlait depuis trente ans, mais lui, il l'a fait. Sans parler des hôpitaux, dans chaque arrondissement, où l'on est bien reçu et bien soigné pour pas cher, même s'il faut se lever tôt pour faire la queue ! C'est pour tout cela que, finalement, je voterai demain pour AMLO. » le maire de mexico a tenu ses promesses Cet étrange et sinueux monologue d'un chauffeur de taxi de la capitale reflète le sentiment de beaucoup de gens, surtout les plus modestes, qui pensent que, si comme maire de Mexico, Andrés Manuel Lopez Obrador a pu, en cinq ans de mandat, tenir bien des promesses, notamment celle de travailler pour « ceux d'en bas », il n'y a pas de raisons pour qu'il n'en fasse pas autant à la tête de l'État. Selon la revue Proceso, un sondage effectué auprès d'intellectuels et artistes connus a également donné un vote nettement en faveur du candidat du Parti de la révolution démocratique (PRD). Il faut dire que Felipe Calderon, le très conservateur candidat du Parti action nationale (PAN), a superbement ignoré, pendant sa campagne, tout ce qui ressemble à la culture. En 2000 pourtant, dans le monde universitaire et de la culture, certains avaient choisi de voter pour Vicente Fox, au nom du vote utile, pour expulser de la présidence le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir depuis soixante-dix ans. Ils ont vite compris leur erreur et ont remisé pour six années des espérances qu'ils ressortent aujourd'hui. Il y a quelques jours encore, Vicente Fox expliquait qu'il avait beaucoup appris de ses six années de gouvernance : « Avant, je disais "Chapas" et maintenant je dis "Chiapas" (sic). » voter pour le moins pire des candidats Dimanche, les Mexicains choisiront entre deux projets pour le pays. Entre celui du PAN, avec un gouvernement de chefs d'entreprise qui voudra faire rapidement tout ce que Vicente Fox n'a pu ni su faire au cours de son mandat : poursuivre le projet « transexennal » élaboré au début des années quatre-vingt, sous la présidence de Miguel de la Madrid, et construit par Carlos Salinas de Gortari, qui prévoit de continuer de privatiser tout ce qui peut l'être, de l'énergie à l'éducation, et de s'inscrire dans les accords de libre-échange ALENA et ALCA, promus par les États-Unis. Le bilan du « président du changement », comme on a appelé Vicente Fox, est globalement négatif : PIB en augmentation de 1,8 % à peine, échec de la politique fiscale, 50 à 70 % de Mexicains vivant dans la pauvreté, écart accru entre riches et pauvres, et cela malgré un prix élevé du pétrole, qui ne s'est pas démenti pendant tout son mandat. En face, le Projet alternatif de nation d'Andrés Manuel Lopez Obrador, pas très précis, catalogue de bonnes intentions, plein de bonne volonté, national sans être nationaliste, qui fait du travail, de l'intégrité, de la transparence, de la justice et de la concertation les axes de la politique, promouvant éducation et santé pour tous, surtout les plus pauvres. Un projet en construction. Échaudés par d'autres expériences, les Mexicains ne donneront pas un chèque en blanc à AMLO. Un peu comme le dit le sous-commandant Marcos, ils vont voter demain pour le moins pire des candidats, mais avec d'immenses espérances de changement. vers un pacte national ? Dans son meeting de fin de campagne mercredi, Andrés Manuel Lopez Obrador affirmait qu'il maintiendrait le même cap avec l'objectif de sortir le Mexique de la crise et d'aider les plus pauvres. Pour cela, dès lundi, s'il est élu, il rencontrera les chefs d'entreprise, les Églises, la société civile, les Indiens, les paysans, les ouvriers, les cadres, les intellectuels... afin de conclure un pacte national. « Nous allons entrer dans l'histoire », s'est-il écrié pour conclure, après avoir souligné que, demain, c'est pour un projet différent de pays, plus que pour un homme, que les électeurs s'exprimeront.