On le voit partout. Entre les mains des enfants soldats du Congo, dans celles des narcotrafiquants du Mexique, des gangsters des États-Unis et des miliciens de l'Irak. On le fabrique en Russie, sa terre natale, et on le copie, sous licence, dans une quinzaine de pays, dont la Chine, l'Allemagne, l'Égypte, la Corée du Nord, la Roumanie et le Venezuela. Créé lors de la Deuxième Guerre mondiale, l'AK-47, souvent connu sous le nom de kalachnikov, n'a rien perdu de sa notoriété. Au contraire, le fusil d'assaut et ses dérivés continuent à proliférer. Sur les cinq continents, entre 50 et 70 millions d'exemplaires sont aujourd'hui en circulation, selon un document qui sera présenté ce matin à New York, où s'ouvrira une conférence de l'ONU sur le commerce illicite des armes légères. «Les kalachnikovs sont les armes militaires les plus répandues au monde», soulignent les auteurs du document, que La Presse a obtenu. On s'en sert dans plusieurs pays pour «massacrer, estropier, violer, torturer et alimenter la violence criminelle», précisent les auteurs. Le document est signé par les trois organisations qui ont lancé, en 2003, la campagne mondiale Contrôlez les armes: Amnistie internationale, Oxfam International et le Réseau d'action international sur les armes légères. À New York, l'AK-47 servira donc de symbole aux promoteurs de cette campagne, dont l'objectif est de réduire la prolifération et l'utilisation abusive des fusils d'assaut et autres armes légères, qui tuent 1000 personnes par jour. L'ONU poursuivra le même but en accueillant, jusqu'au 7 juillet, quelque 2000 représentants de gouvernements et d'organisations diverses. Le secrétaire général, Kofi Annan, participera d'ailleurs ce matin à une conférence de presse au cours de laquelle les organisateurs de la campagne Contrôlez les armes lui présenteront une pétition réclamant des lois plus efficaces pour limiter la circulation des armes légères. On estime à plus de 600 millions le nombre de ces armes dans le monde. Le titre officiel du rendez-vous onusien ne se distingue pas par sa brièveté: Conférence des Nations unies chargée d'examiner les progrès accomplis dans l'exécution du Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects. Le programme d'action en question a été adopté en juillet 2001 à l'issue de la première conférence de l'ONU sur le commerce illicite des armes légères. Il contient 85 points. À l'échelle mondiale, par exemple, les 130 États participants ont convenu de coopérer avec l'ONU afin d'assurer l'application des embargos sur les armes décidés par le Conseil de sécurité. Or, les embargos sur les armes ont été «systématiquement violés» au cours des cinq dernières années, selon un rapport publié en mars dans le cadre de la campagne Contrôlez les armes. «Le programme d'action de l'ONU n'a pas été appliqué de façon assez profonde et uniforme», a reconnu le chercheur canadien Ken Epps au cours d'un entretien téléphonique. Coordonnateur de programme à l'ONG Project Ploughshares, Epps sera à la conférence onusienne, où il aura le statut de conseiller de la délégation canadienne. Malgré l'arrivée d'un gouvernement conservateur à Ottawa, il s'attend à une participation «active» du Canada, notamment sur la question des exportations d'armes, un des principaux chevaux de bataille de la campagne Contrôlez les armes. Selon les promoteurs de cette campagne, les États devraient accepter à New York cinq principes globaux, dont celui de ne pas autoriser les exportations d'armes qui violent les obligations posées par le droit international en matière d'armement. Sur ce plan, le Canada prête lui-même à la critique en vendant des armes aux États-Unis sans connaître leur destination finale. «Ce qui est vendu aux États-Unis échappe à tout contrôle», soutient Anne Sainte-Marie, porte-parole de la section canadienne francophone d'Amnistie internationale. La campagne Contrôlez les armes continuera aussi à New York sa lutte pour l'adoption d'un traité international sur le commerce des armes. Selon ses promoteurs, l'adoption d'un tel traité permettrait de réduire le coût humain des exportations irresponsables et empêcherait des marchands d'armes sans scrupules de trouver des failles dans le système. Petites armes de destruction massiveLa conférence de l'ONU portera sur le commerce illicite des armes légères et des armes portatives. Selon la définition de l'ONU, les armes légères sont conçues pour un usage individuel tandis que les armes portatives sont manipulées par une équipe. Les revolvers, les pistolets à chargement automatique, les fusils, les mitraillettes, les fusils d'assaut et les mitrailleuses légères se classent parmi les armes légères. Les mitrailleuses lourdes, les mortiers, les grenades à main, les lance-grenades, les canon aériens portatifs, les canons antichars portatifs et les lance-missiles portatifs entrent dans la catégorie des armes portatives. On estime que de 50 à 60% du commerce mondial d'armes légères est légal, mais les armes exportées en toute légalité finissent souvent sur le marché illicite.