GOMA, Rép. démocratique du Congo (AP) -- Les élections législatives et présidentielle de dimanche en République démocratique du Congo (RDC) sont censées annoncer le début d'une nouvelle ère pour le pays. Mais l'avenir reste assombri par les soldats de l'armée régulière accusés de pillages, viols et meurtres, qui sévissent particulièrement dans l'Est. Comprenant d'anciens miliciens et rebelles, l'armée congolaise offre le visage d'une force peu entraînée et mal payée, dirigée par d'anciens chefs de guerre. On l'accuse de s'attaquer régulièrement aux civils, même lors d'opérations conjointes avec la Mission des Nations unies en RDC (Monuc), qui aidera à sécuriser dimanche la première élection présidentielle démocratique depuis l'indépendance du pays (ex-Zaïre) de la Belgique en 1960. Delion Kimbu, porte-parole du ministère congolais de la Défense, cherche à minimiser le problème, même s'il reconnaît que des soldats brûlent des maisons et attaquent des civils. "Même les soldats de la Monuc ont été accusés de crimes et d'abus. Notre armée a également ses problèmes", plaide-t-il. La situation est particulièrement inquiétante dans les provinces orientales, où des miliciens congolais et rwandais continuent à tuer, piller et violer malgré un cessez-le-feu conclu en 2002. Quelque 50.000 familles ont quitté leur foyer au Nord-Kivu pour fuir les combats entre l'armée et les rebelles, selon Aya Shneerson, responsable régional du Programme alimentaire mondial (PAM). Mais les réfugiés qui bénéficient de l'aide du PAM dans la région expliquent qu'ils sont partis à cause des soldats, pas des miliciens. "Les soldats viennent piller. Si vous n'avez rien à donner, ils vous violent", affirme Deborah Anuarite, 19 ans, en attendant de recevoir de la farine et de l'huile à Rutshuru (Nord-Kivu). Selon Clarice Kahindo, 28 ans, "même les rebelles" se comportent mieux que les soldats. "Ces gens ne sont pas des soldats, ce sont des miliciens du gouvernement", dit-elle en référence aux forces régulières. Entre 1996 et 2002, quatre millions de personnes ont péri en RDC, pour la plupart à cause d'un manque de nourriture et des maladies liés à la guerre. Des accords de paix ont octroyé aux rebelles des postes importants dans l'appareil d'Etat et entraîné l'intégration dans l'armée de milliers de miliciens, qui n'ont reçu que 45 jours de formation militaire. Les soldats du rang sont mal payés -dix dollars par mois- ce qui signifie qu'ils doivent souvent prendre aux villageois ce dont ils ont besoin pour vivre. Mais ils ne se contentent visiblement pas de piller. Selon un rapport de l'ONU publié en mai, les soldats congolais ont commis environ 1.200 des 1.866 viols sur lesquels la Monuc a enquêté entre avril et décembre 2005. Un autre rapport onusien rendu public en juin accuse les forces de RDC d'être responsables de la majorité des cas recensés d'abus sur des enfants. Il signale 29 enlèvements de juillet 2005 à mai 2006, dont celui de cinq fillettes kidnappées par un capitaine de l'armée dans l'Est du pays. "L'usage courant de la violence physique contre les civils par les membres des forces de sécurité a été observé partout où l'armée ou la police ont été déployées (...), souvent motivé par le désir d'obtenir de l'argent, des biens ou des minéraux", souligne l'ONU. Selon Sonia Bakar, responsable des droits de l'Homme à l'ONU, les violations commises par l'armée restent largement impunies. La semaine dernière, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a reproché au gouvernement de Kinshasa de n'avoir rien entrepris à l'encontre de soldats qui auraient torturé et tué des dizaines de civils suspectés d'être des miliciens dans la province du Katanga (sud). L'organisation, basée à New York, a également accusé le gouvernement congolais d'ignorer les antécédents criminels des anciens chefs de guerre devenus généraux de l'armée. Malgré tout, la Monuc continue à fournir des munitions aux forces congolaises et à les soutenir lors d'opérations militaires.