C'est un stade Mohamed V bien garni qui attendait dans la ferveur l'entrée en lice des Lions de l'Atlas à 20h (GMT) pour le compte des éliminatoires CAN/CM 2010. La rumeur de la surprenante défaite du Cameroun face au Togo s'était répandue en cette douce soirée printanière, décuplant l'enthousiasme et la sérénité d'un public assoiffé de spectacle et de sensations fortes. Et il allait effectivement en avoir pour son argent... La partie était précédée d'une minute de silence à la mémoire de feu Edith Bongo, première dame du Gabon, décédée à Rabat des suites d'une longue maladie. Funeste présage. Les Lions entamaient néanmoins la rencontre pied au plancher, avec l'envie manifeste de débloquer au plus vite le tableau d'affichage du "Stade d'Honneur", comme ils savent si bien le faire face aux équipes présumées plus faibles. La fameuse association offensive El Hamdaoui-Chamakh, étrennée pour la première fois sous la tunique nationale, ne tardait pas à se mettre en branle, soutenue par le Nancéien Youssef Hadji. Un milieu en trident Safri-Kharja-Dirar était censé pourvoir en munitions cette attaque prometteuse afin d'assurer le festival offensif tant espéré. Durant un première quart d'heure très enlevé, le onze marocain manquait en effet à plusieurs reprises de faire chavirer le stade, par des tentatives des El Hamdaoui, Hadji ou encore Kharja. Mais passée cette première salve infructueuse, la machine se déréglait de manière aussi soudaine qu'inexplicable. Ce fut d'abord une passe mal appuyée de Talal El Karkouri à son gardien qui manquait d'entraîner un but grotesque. Puis, lentement mais surement, les Panthères gabonaises sortaient de leur tanière, accaparant le ballon, remportant les duels au milieu, parfois à la limite de la régularité, tandis que le jeu marocain s'étiolait. La rencontre changeait alors radicalement de physionomie, et devant la passivité des locaux, les Panthères allaient asséner leur premier coup de griffe. A la 34e minute, profitant des errements d'une défense expérimentale Kaddouri-Talal-Erbati-Laraïchi, l'attaquant gabonais Aubameyang s'engouffrait dans le dos de l'axe central marocain et exécutait Karim Zaza d'une frappe à ras-de-terre hors de portée du gardien chérifien. Douche froide devant une assistance médusée. Loin d'être intimidés par cette ouverture du score inattendue, les Gabonais semblaient au contraire ragaillardis. Ils repoussaient imperturbablement les tentatives marocaines saccadées et désordonnées, renforçaient leur hégémonie dans l'entrejeu et tissaient inexorablement la trame d'un scénario catastrophe pour le Maroc. Et sur un corner, alors que la mi-temps se profilait, l'impensable se produisait : Gueye coupait la trajectoire d'un ballon sur lequel le gardien et les défenseurs marocains se monstraient incroyablement passifs, et catapultait le cuir dans les cages. 45e minute, 0-2... C'est une équipe marocaine hagarde et chancelante qui regagnait les vestiaires sous la bronca vigoureuse d'un public casaoui consterné par l'impuissance des siens. Et la deuxième période n'allait pas produire le miracle escompté. Car si les Gabonais se contentaient de subir et de procéder par contre, les locaux n'étaient guère plus inspirés. Beaucoup de déchets techniques et de précipitation, peu de fluidité, et un chronomètre qui défilait implacablement. Face à la compacité d'une formation gabonaise de plus en plus arc-boutée devant ses buts, Roger Lemerre faisait entrer successivement Adel Taarabt et Mbark Boussoufa, qui, de par leur technique et leur vivacité allaient enfin créer des brèches dans le bloc adverse. Le premier, à l'issue d'un slalom rageur, aurait d'ailleurs pu bénéficier d'un coup de pied de réparation, déséquilibré dans la surface. Mais les regards désabusés des joueurs remplacés, Nabil Dirar et Marouane Chamakh, qui sortaient tête baissée, sans même saluer et encourager les entrants, témoignaient du désarroi ambiant. Et il était dit que le mauvais sort narguerait les Marocains jusqu'au bout. Mounir El Hamdaoui, joueur le plus méritant et combatif sur la pelouse, faisait trembler par deux fois le montant et la transversale des cages gabonaises, sur des reprises à bout portant. Sa ténacité allait être néanmoins rétribuée d'un but, son premier en sélection, d'une tête décroisée à la 84e minute, sur un service précis de Boussoufa. Mais le sursaut arrivait bien trop tard, et malgré d'ultimes barouds d'honneurs, plus rien ne serait marqué. L'arbitre libérait les valeureux Gabonais, et plongeait leurs hôtes dans la détresse et l'incompréhension. En rendant hommage à leur ex-première dame - et de quelle manière ! - les joueurs d'Alain Giresse enterraient du même coup les ambitions de leurs adversaires. L'équipe nationale a-t-elle pêché par suffisance, trop persuadée de sa supériorité intrinsèque ? Si la qualité individuelle plaidait nettement en faveur des locaux, cette rencontre a démontré à nos joueurs, à leurs dépens, que la cohésion et la combativité peuvent surmonter n'importe quel obstacle et renverser les hiérarchies pré-établies. Et c'est un onze national sans âme, sans ressorts, sans maîtrise, sans étincelle, qui a été logiquement corrigé par d'intrépides Panthères. Elle paraît bien loin, cette victoire 6 à 0 en match amical, il y a deux ans. Ce samedi, le Maroc a non seulement manqué la précieuse opportunité de prendre la tête du groupe A et de distancer ses rivaux camerounais de trois points, mais en perdant lamentablement le match qu'il fallait absolument gagner à domicile face au petit poucet présumé de ce groupe A, les Lions de l'Atlas hypothèquent considérablement, d'emblée, leurs espoirs de qualification au mondial. Il faudra désormais un remède drastique pour ressusciter cette équipe moribonde, en prévision d'un match déjà capital à Yaoundé le 6 juin prochain. Survivre ou mourir...