Au sud-ouest du Maroc, les arganiers sont maîtres. Ils s'étendent sur 828 300 hectares. Étranges, avec leurs branches tortueuses, ces arbres qui dateraient de 25 millions d'années ressemblent à des êtres humains tant ils sont différents. Ils ont tous une personnalité. En plein mois de juillet, alors que je traversais ces paysages arides de la plaine du Souss, entre Agadir et Essaouira, ils étaient là, puissants, offrant leurs fruits semblables à des olives, mais jaunes. L'arganier n'est pas docile, il ne pousse qu'à l'état sauvage et refuse d'être cultivé. Il ne se laisse apprivoiser que par les chèvres de la région qui, sans vergogne, grimpent sur ses branches pour se nourrir. Pour récolter ces trésors fruités qui offrent une huile exceptionnelle, les Marocaines (la fabrication de l'huile d'argan est une affaire de femmes) doivent attendre que les arbres laissent tomber les fruits sur le sol, souvent aidés des chèvres gourmandes. Là, elles les recueillent et doivent les dépulper. Ensuite, le noyau, d'abord séché au soleil, est concassé pour en extraire l'amandon. Les gestes rapides et mesurés de ces femmes impressionnent. Le rythme et les sons des roches qui frappent les noyaux encouragent les femmes à chanter de sublimes chants berbères. Il s'agit là d'un travail difficile et long, mais grâce aux nombreuses coopératives mises en œuvre par le gouvernement, plusieurs femmes peuvent travailler dans la dignité pour un salaire acceptable, sans devoir partir pour la capitale. Pour contrer l'exode rural et pour bien gérer cette ressource divine, le gouvernement marocain met beaucoup d'énergie à bien organiser les coopératives de femmes de l'argan. Un fruit... deux fonctions L'huile d'argan est aussi bénéfique pour la peau que pour l'alimentation, mais ce sont deux sortes d'huile que l'on utilise pour l'une ou l'autre des fonctions. Pour la production de l'huile alimentaire, les amandons récoltés dans le noyau — d'un à trois amandons par noyau — sont d'abord torréfiés (ce qui n'est pas le cas pour l'huile cosmétique). La technique ancestrale d'extraction manuelle de l'huile d'argan alimentaire éblouit. Dans une meule de pierre, une femme broie les amandons en tournant avec vigueur le haut de la meule. C'est d'abord une pâte foncée qui en ressort. Elle masse ensuite manuellement cette pâte qui, après plus d'une heure, se transforme en huile de plus en plus limpide. Cet or liquide qui apparaît sous ses doigts agiles semble miraculeux. Aujourd'hui, toutes les coopératives possèdent leurs appareils d'extraction mécanique, plus rapides et pratiques. La différence fondamentale entre les deux huiles est que, torréfiés, les amandons donnent à l'huile alimentaire un agréable et particulier goût de noisette. Le prix de l'or Toute bonne chose a un prix. L'huile d'argan n'est pas bon marché, mais cela est dû d'abord à sa rareté et aux difficultés qu'exige sa fabrication. Et attention, il est important de ne pas choisir des huiles d'argan bon marché qui ne seraient pas de bonne qualité et qui exploiteraient le dur labeur de ces créatrices de santé. Lorsque j'ai rencontré une dame de 88 ans qui dirigeait une des coopératives et que je lui ai demandé ce que l'argan représentait pour elle, elle a répondu : « Tout, je lui dois tout. Nous en enduisons nos nourrissons dès la naissance, nous en consommons au quotidien et je m'en applique sur le corps tous les jours. » Et laissez-moi vous dire qu'elle était aussi belle que Catherine Deneuve... sinon vraiment plus et... naturelle! Assistante à la recherche : Sophie-Douce Caron