Près de 3.000 personnes ont scandé des slogans anti-syriens lors des funérailles du député libanais Walid Eido, tué mercredi dans un attentat qui a ravivé les tensions avec Damas et aggravé la crise politique qui frappe le Liban. Walid Eido est la septième personnalité politique anti-syrienne du Liban à être assassinée depuis la mort, en février 2005, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, dans un attentat au véhicule piégé. Neuf autres personnes ont été tuées dans l'attentat commis mercredi: le fils aîné d'Eido, deux gardes du corps et six passants. La Syrie a condamné l'assassinat du député libanais et démenti tout lien sa mort. "La Syrie dénonce vivement ce crime et condamne la campagne mensongère que certains Libanais utilisent pour accuser la Syrie de chaque assassinat et ce, avant même l'ouverture d'une enquête", écrit le ministère syrien des Affaires étrangères dans un communiqué. Eido, avocat sunnite de 64 ans, appartenait à la majorité parlementaire anti-syrienne emmenée par Saad Hariri, fils du défunt Rafic Hariri. "Je m'adresse aux criminels en leur disant que, si Dieu le veut, vous serez punis et traînés jusqu'en prison comme des moins que rien", a déclaré à la foule Saad Hariri. Dans le cortège funèbre qui suivait la dépouille du député dans les rues de Beyrouth, la foule a scandé des slogans hostiles au président syrien Bachar el Assad et à son allié, le président libanais Emile Lahoud. "O Beyrouth, vengeance contre Lahoud et Bachar !", ont crié les participants au rassemblement. Les commerces, les banques et les écoles étaient fermées jeudi dans la capitale et dans de nombreux autres endroits du Liban où une journée de deuil national a été décrétée. Trois ambulances portaient les cercueils drapés aux couleurs du Liban vers une mosquée de Beyrouth. Derrière, la foule brandissait les drapeaux bleu et blanc du parti de Saad Hariri en défilant devant des portraits du député et de son fils, portant l'inscription "des hommes de justice". Les proches du député assassiné ont accusé la Syrie d'implication dans l'attentat, et y voient une riposte à la création d'un tribunal de l'Onu chargé de juger les personnes accusées d'assassinat politique. La résolution du Conseil de sécurité instaurant ce tribunal est entrée en vigueur le 10 juin. "Le terrorisme du régime syrien défie le tribunal: Walid Eido martyrisé", titre le quotidien Al Mustaqbal. Le journal An Nahar présente aussi Eido comme un martyr. SINIORA EN APPELLE A LA LIGUE ARABE La mort d'Eido risque d'aviver les tensions entre le gouvernement et l'opposition pro-syrienne conduite par le mouvement chiite Hezbollah, qui a condamné l'assassinat. Pour le député libanais Wael Abou Faour, cet attentat vise à priver le bloc Hariri, qui ne compte plus que 68 députés sur 128, de sa majorité au parlement. Après l'assassinat d'un autre député, Pierre Gemayel, en novembre, le président Emile Lahoud avait refusé de convoquer de nouvelles législatives. "Le scénario est clair et dramatique: Bachar el Assad assassine les députés et Emile Lahoud empêche d'en élire d'autres", a déclaré Abou Faour à Reuters. Le Premier ministre libanais Fouad Siniora a déclaré que le gouvernement demandait à la commission d'enquête de l'Onu chargée de faire la lumière sur l'assassinat de Rafic Hariri d'apporter son aide dans l'enquête sur l'attentat contre Eido. Cette commission d'enquête est dirigée par le Belge Serge Brammertz dont le mandat a été prolongé lundi jusqu'à la fin de l'année par les Nations unies. Siniora a par ailleurs demandé à la Ligue arabe d'agir pour protéger le Liban. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné, dans un communiqué initié par la France, "toute tentative de déstabiliser le Liban par le biais d'assassinats politiques ou d'autres actes terroristes".