Le chef de la diplomatie russe appelle les Américains à suspendre leur projet de bouclier antimissile en République tchèque et en Pologne s'ils acceptent de considérer la proposition de Moscou faite jeudi. Sergueï Lavrov a par ailleurs mis en garde les Américains sur le risque que leur projet ne heurte Téhéran et complique ainsi les efforts « en vue d'un règlement de la crise nucléaire iranienne ». L'administration Bush fait fréquemment allusion à l'Iran lorsqu'elle cherche à justifier son projet de défense. L'audacieuse proposition russe d'établir sur l'une de ses bases en Azerbaïdjan le futur bouclier antimissile américain a continué, vendredi, de faire réagir les principaux acteurs du dossier. Si le président américain George W. Bush a qualifié, jeudi, la surprenante proposition de son homologue russe d'« intéressante », le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, est demeuré très prudent. M. Scheffer a estimé qu'il était peut-être « un peu tôt pour dire si un radar azerbaïdjanais pouvait assumer ce rôle et répondre à la menace », disant craindre la proximité de l'Azerbaïdjan avec « les États voyou que nous avons à l'esprit », une référence directe à l'Iran. La station radar de Gabala, l'une des plus puissantes au monde, est installée sur une ancienne base soviétique que loue Moscou au gouvernement azerbaïdjanais depuis 2002. Les analystes estiment que la puissante station où logent 1200 soldats russes est en mesure de détecter tout lancement de missiles en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L'OTAN a réaffirmé l'importance pour tout système de défense antimissile de protéger tous les pays membres de l'Alliance atlantique. Actuellement, le projet initial américain en Pologne et en République tchèque ne permettrait pas de protéger la Grèce, la Bulgarie, la Turquie et l'est de la Roumanie. Les États-Unis pourraient d'ailleurs tenter de combler cette lacune en installant en Géorgie, une ancienne république soviétique qui donne du fil à retordre à Moscou depuis de longs mois, un radar mobile, une perspective qui inquiète grandement l'administration Poutine. Un haut responsable russe du ministère de la Défense, le général Alexandre Belooussov, a d'ailleurs expliqué, jeudi, que la proposition russe rend obsolètes les projets de boucliers américains en Europe de l'Est. « À quoi bon construire quelque chose de nouveau en République tchèque ou en Pologne si tout cela existe déjà », s'est questionné le général Belooussov. Le gouvernement azerbaïdjanais s'est pour sa part dit prêt à entamer des consultations avec Washington et Moscou au sujet de l'utilisation de Gabala. Rappelons que Washington a l'intention d'installer en Pologne et en République tchèque les éléments d'un bouclier antimissile qui consiste en une dizaine de missiles intercepteurs reliés à un puissant radar. La Russie craint que ce bouclier, qui risque de déclencher une nouvelle course aux armements, ne soit surtout destiné à accroître l'influence américaine à quelques kilomètres des frontières russes.