LES CHIFFRES laissent pantois : près de 130 millions de dollars ont été levés par les prétendants à la Maison-Blanche au premier trimestre. C'est quatre fois plus qu'en 1999, la dernière fois qu'il y avait eu des primaires ouvertes dans les deux partis. Dix-neuf mois avant le scrutin, neuf mois avant le premier dépôt d'un bulletin dans les urnes, la campagne semble partie pour battre le re-cord historique du milliard de dollars. Les gardiens de la démocratie s'en inquiètent, appelant les candidats à renoncer à l'argent privé et à se limiter aux financements publics plafonnés à 85 millions de dollars. Barack Obama, côté démocrate, et John McCain, côté républicain, s'y sont déjà engagés, si leur adversaire à l'issue des primaires en fait autant. Mais cela semble peu probable, tant la course à l'argent est devenue un baromètre du soutien populaire. Ambigu au point de dire qu'il avait récolté « des montants obscènes », Obama est apparu comme la grande révélation de ce premier bras de fer. Avec 25 millions de dollars, il talonne Hillary Clinton (26 millions), pourtant grande favorite dans cet exercice. La nouvelle a de quoi inquiéter celle qui disposait d'une banque de données de 250 000 donateurs et ne s'est pas privée d'utiliser le formidable pouvoir d'attraction de son mari, Bill Clinton. 78 millions côté démocrate, contre 52 côté républicain Parti de zéro, le jeune sénateur noir de l'Illinois la bat dans plusieurs domaines clés : son magot provient de 100 000 contributeurs, contre 50 000 pour Hillary ; il a levé 6,9 millions de dollars sur Internet, contre 4,2 millions pour la sénatrice de New York ; et 23,5 millions de ces fonds sont utilisables pour les primaires, indiquant qu'il peut encore solliciter ses donateurs (chacun est plafonné à 4 600 dollars, 2 300 pour les primaires et autant pour la course finale.) « S'il y avait un sentiment d'inévitabilité lié à la campagne d'Hillary Clinton, écrit le Wall Street Journal, il s'est dissous. » Avec 14 millions de dollars récoltés par John Edwards, l'an-cien colistier de John Kerry, les démocrates arrivent nettement en tête : 78 millions récoltés, contre 52 dans le camp républicain. Cela ne s'était jamais produit depuis que la Commission électorale fédérale tient les comptes. « C'est la preuve qu'il y a plus d'appétit côté démocrate pour regagner la Maison-Blanche et que les électeurs sont satisfaits du choix qui leur est offert », estime le président du parti, Howard Dean. Si l'ordre des sondages est respecté côté démocrate, il est bouleversé dans le camp républicain, avec la « victoire » surprise de Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachusetts, à la tête de 20 millions de dollars. Rudy Giuliani, champion des sondages, garde toutes ses chances mais John McCain, parti favori, est cruellement distancé. Comparé au score d'Obama, candidat antiguerre par excellence, cela montre le poids de l'Irak sur le choix des électeurs donateurs.