La Cour internationale de justice confirme une précédente décision qualifiant de génocide les massacres commis dans ce bourg de Bosnie en 1995. LES TROUPES SERBES de Bosnie sont seules responsables du génocide de Srebrenica qui coûta la vie à quelque 8 000 hommes et jeunes garçons musulmans en 1995. Telle est la décision rendue hier par la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Les arrêts de la plus haute instance judiciaire des Nations unies ont beau être définitifs et sans recours, cette vérité ne sera pas avant longtemps partagée dans les Républiques de l'ex-Yougoslavie, toujours hantées par les démons de la guerre. Ainsi, cette décision a hier suscité l'indignation des Musulmans et Croates de Bosnie, et un certain soulagement en Serbie, pays qui pouvait craindre d'être déclaré directement responsable des massacres commis à Srebrenica, au nom d'une politique de purification ethnique définie à Belgrade. C'est la première fois que la Cour internationale de justice se prononce dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, signée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La plainte a été déposée par la Bosnie en 1993, avant même le massacre de Srebrenica et la redéfinition des frontières au sein de l'ex-Yougoslavie, ce que ne manquèrent pas de soulever les avocats de Belgrade. Désespérante cavale Quelques années plus tard, et plusieurs autres obstacles juridiques passés, la CIJ a finalement confirmé une décision du TPIY, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, également basé à La Haye, qui avait qualifié de génocide les massacres de Srebrenica et condamné pour ces faits Radislav Krstic. L'implication de l'ancien président yougoslave, Slobodan Milosevic, dans ce génocide n'a pu être démontrée avant la mort de celui-ci, le 11 mars 2006. Quant aux responsables serbes directement impliqués en Bosnie, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, ils courent toujours. Cette cavale, qui désespère le président du TPIY dont la mission s'arrête en 2010, pèse sur les relations entre l'Union européenne, la Bosnie et la Serbie, tentées de rejoindre le club européen. Contrairement au TPIY, qui juge des individus sur des faits circonscrits, la Cour internationale de justice a examiné l'implication d'un État - en l'occurrence la Serbie - sur toute la période de la guerre en Bosnie qui, de 1992 à 1995, a causé la mort de 200 000 personnes. L'ampleur du dossier explique la complexité d'un arrêt à plusieurs étages. D'abord donc, la CIJ, comme le TPIY, qualifie de génocide les massacres de Srebrenica, mais uniquement ceux-là. Ensuite, comme l'a hier indiqué Rosalyn Higgins, la présidente du CIJ, la Serbie « n'a pas commis de génocide » en Bosnie. « Les massacres de Srebrenica ne peuvent être directement attribués à l'accusé » et, en conséquence, contre le souhait des Musulmans bosniaques, « il n'y a pas lieu d'ordonner à ce que soient versées des indemnisations ». La Cour n'en juge pas moins que la Serbie n'a « rien fait pour respecter ses obligations de prévenir et de punir » le massacre de Srebrenica, alors qu'elle en avait les moyens. « L'accusé, a dit hier Mme Higgins, avait une position d'influence sur les Serbes de Bosnie », et « aurait dû déployer tous les efforts pour prévenir les événements tragiques qui se profilaient. » Cet arrêt contrasté a suscité des réactions moins nuancées. « L'Europe a une nouvelle fois montré qu'elle était contre les Musulmans », s'est indignée la présidente de l'association regroupant les femmes rescapées du génocide. Le membre musulman de la présidence tripartite de Bosnie, Haris Silajdzic, a lui aussi déploré le jugement, tout comme son collègue croate, Zeljko Komsic : « Nous, ceux qui étaient ici pendant la guerre, savons qu'un génocide a été commis » dès le début du conflit, a déclaré Komsic. Tandis que les Serbes de Bosnie gardaient un silence gêné, à Belgrade, le président serbe Boris Tadic, tout en qualifiant de « très dure » une partie du verdict, se satisfaisait qu'il ait « été établi que la Serbie n'a pas commis de génocide en Bosnie ». La conclusion, un rien optimiste, a été tirée par Angela Merkel, la présidente allemande de l'UE, qui a espéré qu'une telle décision « contribuera à fermer un chapitre douloureux dans l'histoire de la région ».