La secousse enregistrée le 12 février dans plusieurs villes a provoqué un mouvement de panique. Nacer Jabour, chef de service de la surveillance sismique à l'Institut national de géophysique, explique le risque sismique au Maroc. Qu'est-ce qui s'est passé le lundi 12 février ? Ce jour-là, très exactement à 10H 35, le réseau national de surveillance sismique a enregistré une forte secousse d'une magnitude de 6,3 sur l'échelle de Richter. La secousse a été localisée au large des côtes marocaines, dans l'Océan Atlantique, à quelque 400 km de Rabat. Elle a été ressentie sur presque toutes les villes côtières et également à l'intérieur. Les gens ont parlé de deux chocs sismiques mais en fait, il s'agissait d'un seul choc composé de plusieurs types d'onde. L'endroit du séisme n'est pas une surprise pour nous, parce que c'est une zone sismogène classique, qui a connu des événements sismiques similaires, sinon plus forts, par le passé. Bien entendu, les gens qui se trouvaient dans les étages supérieurs ont ressenti le choc plus que ceux qui étaient en bas ou qui marchaient dans la rue. Est-ce que les stations de détection avaient prévu ces secousses ? C'est une question qui revient à chaque tremblement de terre ressenti. Les gens se demandent si on a la possibilité de prédire un tremblement de terre. Ce n'est pas le cas. Les capteurs que nous avons enregistrent le passage des ondes sismiques. Autrement dit, dès que la faille responsable du séisme bouge, il y a génération d'ondes sismiques. Et à partir de là, les stations sismiques commencent à enregistrer le passage des ondes. Bien sûr, les stations les plus proches vont l'enregistrer les premières et ainsi de suite, en s'éloignant du foyer sismique. Les observatoires internationaux ont des programmes de recherche sur la prédiction des séismes, qui ne sont cependant pas arrivés à mettre au point une technique fiable de prédiction. Le Maroc se trouve-t-il dans une zone à risque ? Le risque sismique est la résultante de ce qu'on appelle l'aléa sismique et de la vulnérabilité des structures, c'est-à-dire du cadre bâti. Le Maroc, de par sa position méditerranéenne, est un pays à sismicité modérée ou à risque moyen, comme le Portugal et l'Espagne. Toutefois, la vulnérabilité des structures varie d'un pays à l'autre. Nous savons que les pays développés ont amélioré nettement la qualité de leurs constructions, ce qui a réduit le degré de leur vulnérabilité. En ce qui concerne le Maroc, depuis la publication du code de construction parasismique il y a quelques années, nous avons constaté une prise de conscience générale chez les intervenants. Mais on ne doit pas oublier que le code de construction parasismique est un minimum à respecter. Quelles sont les régions du Maroc à plus fort risque sismique ? Depuis la mise en place des instruments de surveillance, nous avons une idée des zones qui ont des taux d'activité sismique élevés comme le nord du pays et la région d'Al Hoceïma plus particulièrement. D'autres régions ont une activité sismique qui varie dans le temps. En cas de séisme, quelles sont les mesures à activer ? Il y a des mesures à prendre avant, pendant et après le séisme. La préparation pré-sismique est la phase la plus importante. Bien construire demeure un élément de base. Le reste, ce sont des mesures simples de comportement pendant le choc sismique. Combien de secousses enregistre-t-on chaque année au Maroc ? Nous avons presque 1000 chocs non ressentis par an. Tout dépend des moyens déployés, à savoir le nombre de capteurs sismiques. Plus on installe de capteurs plus on a de données sur la sismicité. Les chocs ressentis sont bien entendu beaucoup moins nombreux. En une année, nous pouvons avoir trois ou quatre chocs ressentis un peu partout au Maroc. Le réseau de détection est-il suffisant ? Le réseau a atteint le nombre maximal de stations. Vu la technologie offerte aujourd'hui, nous pouvons envisager l'acquisition d'un nouveau réseau numérique plus performant. Généralement, les réseaux sismiques sont remplacés tous les 20 ou 30 ans. Y a-t-il un risque de secousse dans les prochains jours ? Il y a une probabilité d'avoir de petites secousses sismiques. Même si le tremblement de terre au large est éloigné, nous pouvons parfois ressentir des répliques de magnitude inférieure au choc principal. Pour l'instant, nous avons enregistré quelques répliques qui n'ont pas été ressenties. Etant donné que la secousse a été enregistrée au large de l'Atlantique, un tsunami, dans l'absolu, est-il possible au Maroc ? Cette probabilité est plutôt dictée par la sismicité historique. On trouve les effets de raz-de-marée sur les côtes méditerranéenne et atlantique. Je donnerai en particulier l'exemple du séisme de 1755 de Lisbonne, qui s'est situé en Atlantique. Il a causé des dégâts au Maroc, au Portugal et en Espagne. Ce séisme avait une grande magnitude. Il a été suivi par un raz-de-marée qui a touché les côtes marocaines. Il faut donc prendre en considération ce risque qui existe et qui est présent. La population qui habite sur les côtes doit avoir une culture sismique pour faire face à ce type de risques. On a vu les exemples du sud-est asiatique. Les gens n'étaient pas au courant de la possibilité d'un raz-de-marée après un choc sismique. Ce risque est-il sérieusement pris en compte ? Il y a des projets en étude avec des pays voisins comme le Portugal et l'Espagne sur la faisabilité d'un système d'alerte au tsunami. La technologie existe, nous essayons de l'adapter au contexte euro-méditerannéen. Séismes au Maroc : Une vieille histoire… Le risque sismique au Maroc ne date pas d'aujourd'hui. Durant le siècle dernier, plusieurs tremblements de terre continentaux ont frappé le pays, avec cependant une magnitude qui ne dépassait pas les 6 degrés sur l'échelle de Richter. Seuls les séismes d'Agadir (1960), d'Erfoud, de Rissani (1992) et d'Al Hoceïma (1994 et 2004) ont enregistré de fortes magnitudes. La position géographique du Maroc, à l'extrême nord-ouest du continent africain, fait qu'il se trouve au carrefour de deux failles majeures. L'évolution géologique est fortement influencée par l'interaction entre les plaques tectoniques. Depuis quelques années, plusieurs études réalisées ont montré une activité sismique intense, le long des chaînes montagneuses du Rif et de l'Atlas.