Pékin et Moscou ont opposé vendredi un veto en forme de défi à Washington à une résolution sur les droits de l'homme au Myanmar présentée au Conseil de sécurité de l'Onu par les Etats-Unis. Le vote sur le texte a donné neuf voix pour et trois contre, avec trois abstentions, mais deux des votes négatifs provenaient de ces membres permanents disposant d'un droit de veto. NATIONS UNIES (Reuters) - La Chine et la Russie ont opposé vendredi un veto en forme de défi à Washington à une résolution sur les droits de l'homme au Myanmar présentée au Conseil de sécurité de l'Onu par les Etats-Unis. Le vote sur le texte a donné neuf voix pour et trois contre, avec trois abstentions, mais deux des votes négatifs provenaient de ces membres permanents disposant d'un droit de veto. La Russie et la Chine, qui n'avaient pas fait jouer ce droit simultanément depuis 1972, ont fait savoir aux Etats-Unis qu'ils devaient les écouter plus attentivement. Elles ont rappelé que les violations des droits de l'homme n'étaient pas du ressort du Conseil de sécurité à moins qu'elles ne représentent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Pour Moscou et Pékin, ce n'est pas le cas du Myanmar. "J'espère que certains de nos partenaires ont aussi tiré des leçons de ce processus", a déclaré l'ambassadeur de Russie à l'Onu, Vitali Tchourkine. L'ambassadeur de Chine, Wang Guangya, a déclaré quant à lui aux journalistes que les Etats-Unis se comportaient comme s'ils étaient le seul membre permanent du Conseil de sécurité. L'Afrique du Sud a elle aussi voté "non". Le Qatar, l'Indonésie et la République démocratique du Congo se sont abstenues. En revanche la Grande-Bretagne, qui a coparrainé le texte, la France, la Belgique, l'Italie, le Ghana, le Pérou, le Panama et la Slovaquie ont voté avec les Etats-Unis. Les partisans de la résolution estiment que de simples pressions de la part de l'Onu et de gouvernements n'avaient jusqu'ici pas eu d'effets sur la junte, qui a collaboré davantage avec les Nations unies une fois que le Conseil de sécurité avait mis la question à l'ordre du jour. Le texte exhortait le Myanmar à libérer tous les prisonniers d'opinion, à se démocratiser et à cesser de réprimer les minorités, souvent victimes de travail forcé. "NOUS NE VOUS OUBLIERONS PAS" "La population du (Myanmar) ne doit pas être découragée par ce développement. C'était un effort visant à porter la situation à la connaissance de la communauté internationale et de signaler clairement que nous ne vous avons pas oubliés. Et nous ne vous oublierons pas", a déclaré au Conseil l'ambassadeur provisoire des Etats-Unis, Alejandro Wolff. Il a évoqué le flux de réfugiés quittant le pays, le trafic d'êtres humains et la propagation du sida. L'ambassadeur du Myanmar, Kyaw Tint Swe, a assuré que collaborer avec l'Onu était un pilier de politique étrangère de son pays. Ibrahim Gambari, chargé des affaires politiques à l'Onu, s'est rendu deux fois sur place l'an dernier et a rencontré l'opposante Aung San Suu Kyi, en détention surveillée ou en prison depuis que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, a remporté les élections en 1990. "Il y a beaucoup de problèmes qui méritent - ou plutôt, qui exigent - l'attention immédiate et entière du Conseil de sécurité", a-t-il dit. "Le Myanmar n'en fait en aucun cas partie." L'armée dirige le Myanmar d'une manière ou d'une autre depuis 1962, et la question n'était pas de se prononcer sur les abus du régime, déjà condamnés par l'Assemblée générale. Il s'agissait en revanche de déterminer si le Conseil de sécurité peut se saisir de la question en lieu et place de l'assemblée et d'organes de l'Onu dont les résolutions ont moins de poids. "Le Myanmar doit répondre aux impératifs d'un rétablissement de la démocratie et d'un respect des droits de l'homme, c'est une question de principe", a déclaré l'ambassadeur d'Indonésie Rezlan Ishar Jenie, dont le pays s'est abstenu. "Mais c'est aussi une question de principe (...) de savoir si ce conseil est bien l'organe approprié pour évoquer le problème du Myanmar." La France a déploré le rejet de la résolution. "Le Conseil ne peut (...) pas rester indifférent face à la situation des civils dans les zones de conflit alors que des exactions graves sont commises", a déclaré le vice-ambassadeur de France à l'Onu, Jean-Pierre Lacroix.