MOGADISCIO (Reuters) - Les blindés éthiopiens, qui ont aidé l'armée du gouvernement provisoire somalien à reconquérir Mogadiscio, poursuivaient samedi au sud-ouest de la capitale les combattants islamistes, dont les chefs ont appelé à la résistance coûte que coûte dans la ville portuaire de Kismayo. Le cheikh Sharif Ahmed, dont les forces ont fui jeudi la capitale, a exhorté aussi des milliers d'habitants rassemblés dans un stade de Kismayo pour la fête musulmane de l'Aïd al Adha à défendre leur pays et leur foi religieuse face aux troupes gouvernementales soutenues par les troupes de l'Ethiopie chrétienne. "Notre pays est sous occupation, aussi avons-nous décidé de combattre", a déclaré le cheikh à la foule, alors qu'à l'extérieur du stade, des combattants islamistes veillaient à bord de camions équipés de tourelles de DCA. Le cheikh Ahmed a assuré que le Conseil des tribunaux islamiques de Somalie, son organisation, était toujours prête à négocier avec le gouvernement de transition, mais pour cela les soldats éthiopiens devaient repasser la frontière. Le Premier ministre du gouvernement de transition, Ali Mohamed Gedi, a fait son entrée vendredi dans Mogadiscio. Samedi, le président somalien Abdullahi Yusuf a atterri à bord d'un hélicoptère éthiopien à une vingtaine de kilomètres de la capitale et a consulté des chefs de factions et des anciens. "Le gouvernement (de transition) a le devoir de rétablir la paix", a-t-il déclaré aux journalistes. "Nous avons traversé 15 ans de guerre civile. Il nous faut maintenant nous pardonner les uns les autres et nous tendre la main". Yusuf a précisé qu'il n'entrerait pas dans Mogadiscio pour le moment mais allait regagner Baidoa, où a siégé ces derniers mois le gouvernement provisoire. "Je me rendrai à Mogadiscio lorsque tout sera en place". DES ENFANTS DE 12 ANS ENRÔLÉS Au même moment, samedi, des centaines d'habitants manifestaient au sud de Mogadiscio, ville de 2,5 millions d'habitants, brûlant des pneus et scandant des slogans anti-éthiopiens; vendredi déjà, une manifestation analogue avait eu lieu dans la capitale. Comme vendredi, des avions de l'armée de l'air éthiopienne ont survolé en rase-mottes Kismayo et une ville proche, Jilib, semant la panique parmi la population. Kismayo se trouve à 300 km au sud-ouest de Mogadiscio. Selon un soldat gouvernemental somalien, les islamistes, accusés par Addis-Abeba et Washington d'être soutenus par Al Qaïda, ont miné la route partant de Mogadiscio lors de leur retrait vers le sud. "Nous nous dirigeons vers Jilib à bord d'un convoi de 15 chars éthiopiens", a déclaré ce militaire à Reuters. "D'autres forces font route vers Buale (NDLR, au nord de Jilib) et je suis certain que les combats vont commencer bientôt". "Tous les terroristes se trouvent à Jilib et à Kismayo", a-t-on affirmé de source gouvernementale somalienne. Le parlement somalien devait voter samedi la loi martiale pour une durée de trois mois, afin de donner les moyens aux autorités du gouvernement provisoire de désarmer des milliers de miliciens fidèles à une série d'ex-seigneurs de la guerre tenus responsables des années d'anarchie depuis 1991. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré de son côté que des enfants étaient enrôlés à partir de l'âge de 12 ans. "Ce qui est le plus préoccupant, ce sont les informations concernant les personnes déplacées qui ont été recrutées pour participer aux combats. Dans certains cas, il s'agit d'enfants de 12 ans", a déclaré William Spindler, porte-parole du HCR. Les camps pour personnes déplacées dans les régions de Beder, Barrawe et Manomofa, ont été la cible d'opérations d'enrôlement parfois forcé, menées par les deux parties.