Gaza . 18 Palestiniens ont été tués, dont sept enfants et quatre femmes, par des tirs d'artillerie. « Israël détruit toutes les chances de paix », déclare le président de l'Autorité palestinienne. Officiellement, l'armée israélienne s'était retirée de la bande de Gaza. Mais, comme nous le soulignions dans notre édition d'hier, les chars n'étaient pas loin, tout comme les batteries d'artillerie. Mercredi, au petit jour, celles-ci se sont mises à tirer sur Beit Hanoun, village sinistré qui commençait à peine à enterrer la soixantaine de morts et à soigner les deux cents blessés laissés par l'armée israélienne après plus de cinq jours d'opérations. Résultat, 18 Palestiniens ont été fauchés. Parmi les morts la plupart étaient membres d'une même famille, dont sept enfants et quatre femmes. L'Autorité palestinienne a décrété trois jours de deuil dans les territoires palestiniens. Dans une rare démonstration d'unité, Abbas et Haniyeh sont allés ensemble donner leur sang et rendre visite à quelques-uns des 54 blessés, dans un hôpital du nord de la bande de Gaza. le cynisme du vice-ministre Ephraïm Sneh Mais il en faut plus pour émouvoir le gouvernement israélien. Si le ministre israélien de la Défense, Amir Peretz, a ordonné à l'armée de procéder rapidement à une enquête sur les causes du drame (mais en général ce type d'enquête ne débouche sur rien de concret, comme lors de la mort de civils sur la plage de Gaza il y a quelques mois) et a appelé à un arrêt momentané des tirs d'artillerie dans le secteur de Gaza, son vice-ministre, Ephraïm Sneh, manie le cynisme avec éclat. « Ceux qui ne devraient pas être en paix après la mort de civils sont ceux qui utilisent les habitants de la bande de Gaza comme des boucliers humains », a-t-il déclaré. Mais, écartant la vague de condamnations internationales qui s'est immédiatement abattue sur lui (sans aucune conséquence, cependant), Israël a affirmé que ses opérations contre les tirs de roquettes palestiniennes se poursuivraient. Comme si ce n'était pas suffisant, un Palestinien a été tué et trois blessés, mercredi, par un obus de l'artillerie israélienne à Jabaliya dans le nord de la bande de Gaza alors que plus tôt, à Jénine (nord de la Cisjordanie), cinq Palestiniens ont été tués par une unité israélienne. Ce nouveau massacre perpétré par l'armée israélienne à Gaza n'est peut-être pas dû au hasard. Depuis quelques jours les discussions entre le Fatah et le Hamas avaient pris un tour nouveau. À tel point que la presse palestinienne, habituellement peu optimiste, parlait de mardi comme date d'un possible accord sur la nomination d'un nouveau premier ministre. Un tel accord aurait bien évidemment changé la donne puisqu'il est basé sur le document dit des prisonniers, qui prévoit l'installation d'un État palestinien dans les frontières de 1967, ce qui revient à reconnaître implicitement l'existence d'Israël. De cela justement Israël ne veut pas. Non seulement il ne respecte aucun de ses engagements (pas plus les accords d'Oslo, qui prévoyaient pourtant la création d'un État palestinien sur 22 % de la Palestine historique, que la fameuse « feuille de route » qu'Israël s'est cru autorisé à amender sans mettre en oeuvre la moindre clause, demandant toujours plus aux Palestiniens des territoires occupés), mais se fiche comme d'une guigne des lois internationales sauf lorsqu'il s'agit des autres pays (Liban, Iran, Syrie...). Malheureusement, aidé par la lâcheté des gouvernements occidentaux (les résolutions de l'ONU sont-elles jamais appliquées lorsqu'il s'agit d'Israël ?), Tel-Aviv parvient à ses fins. L'annexion de Jérusalem, pourtant dénoncée par les diplomates européens en poste dans la région, est devenue une réalité que l'Union européenne refuse de voir. Pis, c'est une entreprise française qui construit un train reliant Jérusalem aux colonies d'implantation juives (lire ci-dessous). Les tueries quotidiennes dans les territoires palestiniens sont banalisées, mais si un attentat suicide se produit, pas un gouvernement ne reste silencieux et ne vient dénoncer un acte qualifié de terroriste et sanguinaire. LE SILENCE DES CAPITALES OCCIDENTALES Israël l'a bien compris, joue dangereusement avec et gagne à tous les coups. Le premier ministre (Hamas), Ismaïl Haniyeh, vient d'annoncer qu'il suspendait ses discussions avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. « Nous implorons nos moudjahidine de reprendre les opérations de martyrs (attentats suicides) à Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa, Jaffa et partout ailleurs », a déclaré un porte-parole du Hamas, Nizar Rayan, en haranguant par haut-parleur des manifestants à Beit Lahya. Les brigades des martyrs d'al Aksa ne seront certainement pas en reste. C'est le début de la surenchère dont les mouvements islamistes sont coutumiers et qu'Israël sait brandir comme un épouvantail. La trêve observée par le Hamas depuis le début de l'année 2005, soit quasiment deux ans, va voler en éclats. « Israël détruit toutes les chances de paix », peut dire Mahmoud Abbas.