Aujourd'hui, se tient une session extraordinaire du parlement. Vers 17 heures, le ministre des Finances, Nizar Baraka, présentera le budget 2012 devant les députés et les conseillers réunis au siège de la Chambre des représentants, comme l'exige la nouvelle constitution. Le programme de cette session comporte également l'examen d'une autre loi organique d'une importance vitale pour l'exécutif Benkirane. Il s'agit de la loi fixant les modalités des nominations des patrons des grandes entreprises publiques, et ce, conformément aux articles 49 et 92 de la loi fondamentale du 1er juillet 2011. Pour mémoire, Le conseil des ministres du 7 février dernier a, en effet, établi d'une part la liste des sociétés étatiques dont la désignation des directeurs est exclusivement du ressort du roi et d'autre part celle confiée au chef du gouvernement sur une proposition du ministre concerné (articles 49). 52 entreprises à Benkirane C'est une première au Maroc. Jamais auparavant, un chef de gouvernement, de surcroît issu d'un parti, n'a eu la chance de nommer directement sans se référer au roi, 52 directeurs d'entreprises publiques ayant pignon sur rue comme : L'Office des changes, la Caisse marocaine de retraite, le Fonds d'équipement communal, l'Office national marocain de tourisme, la Caisse de compensation ou encore le Centre cinématographique marocain. Une nette avancée par rapport à la constitution de 1996, mais qui apparemment ne satisfait pas tout le monde. Mohamed El Yazghi, ancien ministre d'Etat sous le gouvernement Abbas El Fassi, n'a pas ménagé ses efforts pour critiquer Abdelilah Benkirane d'avoir abandonné ses prérogatives au roi. L'ex-premier secrétaire de l'USFP estimait que la liste des directeurs revenant au chef du gouvernement aurait pu être mieux étoffée que celle du roi. 37 entreprises stratégiques au roi Conformément à ce projet de loi, le monarque se garde l'exclusivité de nommer les directeurs de 37 entreprises publiques, hautement stratégiques, en conseil des ministres dont notamment : la Caisse de dépôt et de gestion, le bras financier de l'Etat, le Fonds Hassan II, l'Agence national de régulation des télécommunications, l'Agence Maghreb presse, l'Office national de l'eau et d'électricité, le holding Al Omrane, Royal air Maroc, la Société national des autoroutes ou encore la SNRT (pôle public audio-visuel). La parité, l'autre enjeu L'examen de cette loi offre à Abdelilah Benkirane l'occasion de se réconcilier avec les associations féminines et faire oublier la présence d'une seule femme, Bassima Hakkaoui, à son gouvernement. Dans son article 3, le texte insiste sur «la parité entre les hommes et les femmes, conformément à l'article 19 de la constitution». Pour mémoire, le 19 janvier, devant le parlement, Benkirane a dû arrêter la lecture de sa déclaration justement à cause de la parité, des députés y compris au sein de sa propre formation politique, brandissaient des pancartes sur lesquelles était écrit «Où est l'article 19 ? Où est la parité?». Par ailleurs, l'ONU soutient les revendications des femmes marocaines. Le 21 février dernier, le Groupe de travail des Nations Unies chargé de la question de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique a exhorté le gouvernement marocain «à consolider et à développer les avancées réalisées depuis dix ans dans le domaine de l'égalité des genres en établissant sans attendre l'Autorité pour la parité, en accord avec les standards internationaux». Le consensus, règle du jeu Ce projet de loi organique tend à instaurer un certain équilibre, bien entendu à la marocaine, entre le roi et le chef du gouvernement. Certes la monarchie marocaine est, comme le stipule l'article 1 de la constitution «constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale», mais avec sa propre spécificité qui la différencie des autres monarchies européennes : le roi règne et gouverne. Une constante de la vie politique nationale qui favorise le consensus entre le palais et les principales structures partisanes. Le PJD de Abdelilah Benkirane ne constitue nullement l'exception, bien avant lui l'USFP de Abderrahman El Youssoufi avait travaillé avec feu Hassan II dans le même esprit du consensus pour la formation du gouvernement dit de l'alternance en 1998. Et c'est toujours ce même consensus qui était à l'origine de l'adoption de la constitution de 1996. C'est dire l'omniprésence de ce facteur sur la scène politique marocaine.