Des raisons économiques et politiques expliqueraient le durcissement de la politique du Maroc vis-à-vis de Ceuta et Melilla, et plus généralement envers l'Espagne. Le média El Español, dirigé par un ancien fidèle de José Maria Aznar, a essayé de répondre à la question qui taraude bien des milieux chez le voisin ibérique : Pourquoi le Maroc a-t-il choisi ce moment pour faire pression sur Ceuta et Melilla ? La publication a proposé des pistes politiques et économiques pour y répondre. Le royaume considère que l'Espagne de Pedro Sanchez est «fragile». En cause «la situation en Catalogne et la progression de l'indépendantisme en Espagne» qui offrent au Maroc «une opportunité» d'arracher des acquis. La composition de l'exécutif, une coalition de gauche dont la survie dépend d'un jeu périlleux d'alliances, «est aussi une marque de faiblesse». En témoigne la «récente décision du gouvernement de Rabat d'élargir ses eaux territoriales, ce qui équivaudrait à intégrer les Canaries dans les eaux marocaines», écrit El Espagnol. Des alternatives à la contrebande «Contrairement à Hassan II, qui a abandonné le nord du Maroc sous son règne, son fils a mis l'accent durant ses deux décennies sur le trône pour investir et renforcer le pays dans la zone frontalière avec l'Espagne», relève la publication. Et d'expliquer que «les deux grandes villes proches de Ceuta et Melilla, Tanger et Nador, ont deux nouveaux ports d'importation et d'exportation qui relient l'Afrique à l'Europe et au reste du monde : Tanger Med et le port de Beni Ensar. Bientôt Nador Atlantique les rejoindra, déjà en construction». «Avec la modification du plan d'urbanisme du Grand Nador et le projet industriel de Marchica, toutes les villes du nord seront unifiées pour la création d'un pôle économique et touristique à l'instar de celui de Casablanca, capable d'absorber Melilla», craint encore El Español. A cela s'ajoute «le projet de recyclage du textile (implanté à Nador) initié par l'industriel Noureddine Chikar, dit «le tailleur de Daesh», poursuivi en Espagne pour appartenance à une cellule terroriste, se poursuit avec l'aide des autorités locales», indique la publication de droite. «Une fois terminé, ce complexe sonnera la fin» de la contrebande depuis Melilla. «Il assurera de l'emploi, pour 250 euros par mois, à environ 1500 porteurs. Cinq autres sociétés ont été installées dans le même complexe et emploieront 1.500 autres personnes». Vox, Podemos et le soutien des grandes puissances mondiales La piste économique n'explique pas, à elle seule, la stratégie marocaine. El Español intègre également dans son analyse des éléments politiques espagnols et internationaux. La publication de droite évoque l'hostilité de Podemos et Vox à l'égard du Maroc. Les camarades de Pablo Iglesias «ne sont pas appréciés du côté de Rabat. En cause leurs soutien à la question sahraouie et aux protestations au Rif, ainsi que leurs condamnations répétées du régime pour non-respect des droits de l'Homme». La formation de Santiago Abascal est logée à la même enseigne. «Le Maroc n'aime pas non plus la montée en puissance de Vox. Ce parti a exprimé à plusieurs reprises son mépris des Marocains». Le contexte international encourage également le Maroc à faire pression sur l'Espagne. «Les Américains et les Britanniques cherchent à contrôler le Détroit (de Gibraltar), et envisagent même d'ouvrir des bases militaires au Maroc afin d'aider la France à lutter contre le terrorisme au Sahel. Ainsi, le Maroc gagnerait des alliés pour annexer définitivement le Sahara occidental, ce qui reste le véritable défi du pays», conclut El Español.