L'ornithologue Imad Cherkaoui constate que beaucoup d'espèces vivant dans les montagnes sont contraintes de déplacer leur aire de répartition vers des zones où le climat est plus adapté à leurs besoins. Il n'y pas que les hommes qui seront, et sont déjà, contraints de s'adapter aux changements climatiques. Les espèces animales et végétales doivent elles aussi opérer des mutations pour faire perdurer l'espèce. Selon une étude publiée dans la revue Ecology Letters, mercredi 4 décembre, et relayée par Le Monde, le rétrécissement des oiseaux est directement corrélé à la température des zones de reproduction. L'un des exemples les plus frappants est l'allongement des ailes. «C'est assez simple, explique Brian Weeks, professeur à l'université du Michigan et premier auteur de l'étude. Plus les oiseaux sont petits, plus la migration leur est difficile. Pour compenser leur taille, leurs ailes ont grandi afin de rendre leur voyage moins éprouvant.» Imad Cherkaoui, ornithologue et professeur à l'université Moulay Ismail, nous explique, logique oblige, que le prolongement des ailes est plus long chez les individus migrateurs que chez les individus sédentaires d'une même espace. «Quand on fait des captures, on constate que les mensurations des espèces migratrices sont généralement plus grandes. Cela vient du fait qu'elles ont besoin d'avoir des ailes plus longues sur de longues distances», ajoute-t-il. Au Maroc, Imad Cherkaoui constate que beaucoup d'espèces vivant dans les montagnes sont contraintes de déplacer leur aire de répartition, c'est-à-dire la zone délimitant leur répartition géographique, sur les hauteurs. «Puisqu'il fait de plus en plus chaud et que les saisons sèches se prolongent plus longtemps, ces espèces montagneuses sont obligées, à cause du changement climatique, de déplacer leur aire de répartition vers des altitudes plus grandes», explique l'ornithologue. Par exemple, dans les années 1960 et 1970, l'aire de distribution de certaines espèces s'étalait dans une marge comprise entre 1 500 et 2 000 m d'altitude. A cause des changements climatiques, «et pour chercher plus de fraîcheur», elles se déplacent vers des hauteurs comprises entre 2 000 et 3 000 m d'altitude. Certaines espèces végétales, comme le cèdre, sont elles aussi contraintes de migrer plus en hauteur. Un constat qui n'est pas nouveau D'autres espèces, comme le bruant du Sahara, sont indicatrices de ces mutations climatiques. Habituellement nichée dans la région de Marrakech, elle se déplace de plus en plus vers le Nord, notamment Tanger, et les zones septentrionales du Maroc. «On l'a même aperçu à Tarifa, en Espagne. Il y a dix ans, ça aurait été impossible !» Le bruant du Sahara. | DR Autre exemple : le canard siffleur. Le Maroc en a abrité jusqu'à 100 000 chaque hiver, dont une grande partie se concentrait dans la lagune de Moulay Bousselham. «On a constaté que ce canard hiberne de plus en plus dans le sud de la France, en Camargue et en Provence. Il y trouve un climat similaire à celui qu'il trouvait il y a trente ans dans le nord du Maroc. Ces zones d'hibernage sont de plus en plus situées vers le Nord car l'hiver y est plus clément qu'il y a encore quelques années.» Ces perturbations sont pourtant loin d'être nouvelles. Il y a dix ans, le constat formulé à Madagascar par les parties contractantes de l'Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (AEWA), était déjà sans appel : «En plus des menaces d'origines non climatiques auxquelles sont soumis leurs habitats, [de nombreux oiseaux migrateurs] risquent de se détériorer dans de nombreuses régions à la suite des modifications du régime des précipitations et des augmentations de températures». Et d'ajouter : «Ils risquent de disparaître suite à l'élévation du niveau de la mer et font face à une pression accrue liée à une forte demande des ressources en eau. Les oiseaux migrateurs sont particulièrement vulnérables car ces impacts peuvent les toucher à n'importe quel endroit de leur aire de répartition.»