Plusieurs centaines, voire de milliers, de personnes se sont rassemblées à Paris, dimanche, pour dénoncer la stigmatisation des musulmans dans les débats publics actuels en France. Cette marche s'est tenue à l'appel du «Rassemblement du 27 octobre», avec la participation d'acteurs politiques et de la société civile. A la place de la Nation à Paris, plusieurs centaines de personnes se sont réunies, dimanche, pour répondre au «Rassemblement du 27 octobre» opposé aux crispations autour de l'islam en France. La manifestation a été marquée par la présence d'élus locaux, notamment parmi les signataires d'un texte contre la stigmatisation des musulmans, des militants associatifs de lutte antiraciste ou encore des membres du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Ce rassemblement s'est tenu alors que les polémiques sur les musulmans se multiplient. «Nous sommes dans un contexte où nombre de politiques se ruent sur des questions liées au musulmans de France pour en faire des batailles électorales et fédérer autour de sentiments de peur, faute de projets politiques», déclare à Yabiladi Jawad Bachare, Directeur exécutif du CCIF. «Au lieu de veiller au bon déroulement de la rentrée scolaire, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer fait une fixette sur les musulmans et dévie l'attention sur les véritables problématiques de son secteur» estime l'associatif, en allusion aux déclarations du responsable sur le port du voile, y compris chez les accompagnatrices scolaires. Un discours transversal dans la politique et les médias A l'origine des polémiques ayant évolué en boule de neige ce mois-ci, le responsable local du Rassemblement national (RN), Julien Odoul, a pris à partie une mère voilée qui accompagnait un groupe d'écoliers en Assemblée régionale. Si le Premier ministre, Edouard Philippe a déclaré ne pas légiférer sur le port du voile, Jean-Michel Blanquer a, pour sa part, estimé que cet habit était «contraire» aux valeurs de l'égalité femmes-hommes. Ces déclarations, parmi d'autres, laissent dire à Jawad Bachare que «la transversalité du discours des extrémismes a fait qu'une grande partie de la classe politique qui ne considère pas avoir des affinités avec le Rassemblement national (RN) adopte aujourd'hui un discours islamophobe». «C'est lorsqu'une polémique médiatique survient qu'on s'y intéresse : Il y a eu un tollé contre l'attaque verbale de Julien Odoul parce que la scène a été filmée. Cependant, il existe une islamophobie invisible à travers une multitude de situations quotidiennes traitées par le CCIF mais dont on ne parle pas car elle ne sont pas imagées.» Jawad Bachare, CCIF De son côté, l'élu local Driss Ettazaoui explique à Yabiladi avoir participé à ce rassemblement pour «apporter [son] soutien aux concitoyens de confession musulmane qui ont le sentiment d'être pointés du doigt au plus haut niveau de l'Etat». Pour ce vice-président de l'agglomération Evreux-Portes de Normandie (MoDem), «les médias ne sont pas en reste ; nous avons vu des journalistes de premier plan tels que le directeur adjoint du Figaro ou le présentateur de LCI, Olivier Galzi, adopter une sémantique glissante : on ne se bat plus contre le fondamentalisme, mais contre l'islam et les musulmans». Considérant aussi cette problématique est transversale, il préconise que les politiques de tous les horizons s'en saisissent. «Etant en contact avec nos concitoyens, qu'ils soient croyants ou non, nous devons tirer la sonnette d'alarme. «Nous nous inquiétons de voir l'émergence de deux Frances qui se regardent en chiens de faïence : celle qui a peur et qui s'interroge de la place de l'islam dans la société à travers des sujets connexes comme le voile, et celle qui a le sentiment d'être humiliée car elle est pointée du doigt pour son appartenance religieuse, dès qu'une polémique survient.» Driss Ettazaoui Un front contre l'islamophobie, au-delà des idéologies L'élu tient responsables de ce clivage des acteurs politiques comme des professionnels des médias. Ce n'est pas pour autant qu'il ne voit de responsabilités au président de la république lui-même. «Nous sommes passés d'une société de vigilance, souhaitée par Emmanuel Macron au lendemain de l'attentat à la préfecture de Paris à une société de suspicions (…) Le président de la république a sa responsabilité, car il est le garant de la Constitution, de l'application de la loi et surtout de l'unité nationale», nous affirme-t-il. Au rassemblement tenu dimanche à Paris, des responsables politiques communistes, socialistes (PS), d'Europe écologie les verts (EELV), des Républicains (LR), du MoDem ou encore de La République en marche (LREM), ont été présents, nous décrit Driss Ettazaoui en se félicitant que cette action ait «réuni les différents courants de la vie politique française». Pour lui, il s'agit en effet d'«un enjeu de cohésion nationale tellement important». Cependant, les différents courants représentés n'ont pas été importants en nombre. «Il fallait que les élus soient plus présents et j'en ai vu peu avec leurs écharpes tricolores. Certains sont venus sans, mais nous étions peu dans l'ensemble», déplore-t-il. Dans l'espoir de converger les efforts des différents partis politiques, ce responsable de la politique de la ville a d'ailleurs rédigé un appel contre la stigmatisation des musulmans. La semaine dernière, ce texte a été signé par 100 élus locaux. «Désormais, la question se pose à nous sur ce qu'on en fait après», nous explique-t-il en évoquant l'idée de «créer une plateforme qui se saisit des questions sociétales pour porter des paroles communes, en profitant de cette dynamique autour d'enjeux partagés et trans-partisans». Maire-adjoint à Grigny (Essone) sous les couleurs du Parti socialiste (PS) et signataire de l'appel des 100 élus locaux, Saïd Laatriss confirme en effet à Yabiladi que ces derniers devront se réunir d'ici la fin de la semaine «pour lancer d'autres actions dans à venir, mettre une plateforme regroupant plusieurs responsables de différentes couleurs politiques et pourquoi pas une structure associative fédératrice autour de ces problématiques». Dans ce sens, Jawad Bachare souligne que «le CCIF soutient toute initiative permettant de conscientiser les citoyens et les politiques sur ces questions». «Il est important de partir du principe que les droits ne sont jamais acquis et qu'il faut se battre continuellement pour les préserver», affirme-t-il. Le 10 novembre prochain, le CCIF organise d'ailleurs un nouveau rassemblement à Paris.