L'empathie et l'assistance d'un étranger en cas de danger ne semble pas être des comportements propres à l'homme. Dans le parc national d'Ifrane, situé dans les montagnes du Moyen Atlas, des chercheurs de l'unité de recherche en conservation de la faune sauvage (WildCRU) du département de zoologie de l'université d'Oxford viennent de faire une découverte qui pourrait changer l'avenir d'une espèce menacée d'extinction. Assister un étranger en cas de danger n'est finalement pas un comportement propre à l'humain. C'est ce que révèle cette semaine un nouvel article publié dans le numéro de juillet de la revue Primates. Des scientifiques ont ainsi documenté pour la première fois des macaques de Barbarie consolant et prenant soin d'un jeune macaque étranger. Ce dernier a été trouvé perdu et blessé sur le bord de la route. Il a été heurté par une voiture alors que l'observation a été faite dans le parc national d'Ifrane dans les montagnes du Moyen Atlas au Maroc. Selon les médias Science Daily et Live Science qui relayent l'article de Liz Campbell, intitulé «Fostering of a wild, injured, juvenile by a neighbouring group : implications for rehabilitation and release of Barbary macaques confiscated from illegal trade» (Adopter un macaque à l'état sauvage, blessé et juvénile : implications pour la réhabilitation et la libération des macaques de Barbarie retirés du commerce illégal), les faits remontent au 20 mars 2018 lorsque Pipo, un macaque de Barbarie âgé de trois ans, a été heurté par une voiture. «Il s'est retiré sur un arbre à proximité», sous le regard d'autres singes appartenant à son groupe. Pipo, le jeune macque rejeté par son groupe mais accueilli par un autre Un macaque adolescent s'est alors assis près de lui et «l'a soigné, car il semblait perdre conscience», écrit la scientifique. Seulement, une heure avant le coucher du soleil, son groupe part et l'abandonne. Le lendemain, Pipo était introuvable. Mais le 22 mars, il réapparait seul et criant à plusieurs reprises, ce qui a attiré l'attention d'un autre groupe de macaques. Ce dernier arrive et l'un des jeunes singes s'approche de Pipo, examine ses blessures et le soigne, raconte la scientifique, et «environ 20 minutes plus tard, un singe adulte s'est également approché de Pipo». «Lorsque MonkeyWatch (le deuxième groupe de macques) quitte plus tard les lieux, Pipo part avec eux.» Le jeune macaque passe alors quatre mois avec le groupe MonkeyWatch, bien après que ses blessures aient visiblement guéri. Pendant ce temps, il a été «pleinement intégré» dans la structure sociale du nouveau groupe avant de partir et de retourner dans son groupe d'origine. Pipo après avoir été abandonné par son groupe. / Ph. Liz Campbell «L'observation était surprenante», écrit l'auteur de l'étude, qui travaille au sein de l'unité de recherche en conservation de la faune sauvage (WildCRU) du département de zoologie de l'université d'Oxford, car «les rencontres entre groupes dans ce [parc national du Maroc] vont du retrait immédiat par un groupe à de longs concours, parfois agressifs». En effet, les chercheurs n'avaient jamais vu des singes étrangers (n'appartenant pas au même groupe) s'entendre comme cela auparavant. Une bonne nouvelle pour une espèce menacée d'extinction Pour Liz Campbell, cette découverte est surtout «une bonne nouvelle pour les macaques de Barbarie en tant qu'espèce». Une espèce qui compte seulement 10 000 individus dans la nature, leur nombre ayant considérablement diminué ces dernières années. Alors que le braconnage reste un problème important, avec des singes retirés de la nature pour le commerce des animaux domestiques, les efforts de restauration des populations sauvages de macaques de Barbarie reposent sur l'espoir que les jeunes macaques libérés puissent être intégrés dans des groupes d'accueil. Pipo consolé par un autre singe magot appartenant à un autre groupe. / Ph. Liz Campbell Mais jusqu'à présent, les chercheurs avaient supposé que seuls les bébés singes et les très jeunes macaques étaient candidats pour ce genre de réhabilitation. «Le cas de Pipo suggère que les juvéniles plus âgés pourraient également être en mesure de retourner dans la nature pour vivre avec des groupes d'étrangers.» Liz Campbell Il existe de plus en plus de preuves de plusieurs types de comportements empathiques, tels que la «consolation», fournir un comportement amical ou réconfortant pour soulager la détresse d'autrui, mais ce cas reste inhabituel car dirigé vers un singe magot inconnu. «Cela suggère que les singes sauvages peuvent présenter ce qui peut être une forme fondamentale d'empathie envers des individus même inconnus, ce qui atteste du caractère social de cette espèce», conclu l'auteure. Article modifié le 2019/07/12 à 21h27