Dans son rapport au titre de l'année 2018, la CNCDH déplore l'absence d'une réelle politique pénale de lutte contre le racisme et s'interroge sur la manière dont sont menées les investigations après le dépôt de plaintes. Si la perception de l'islam et des musulmans en France connaît une «amélioration constante» depuis quelques années, il n'empêche que la deuxième religion de France continue de faire l'objet de préjugés tenaces qui suscitent de fortes tensions au sein de la société. C'est là l'une des observations formulées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son 28ème rapport annuel au titre de l'année 2018, publié ce mardi 23 avril et relayé par le journal Le Monde. Sur les actes antimusulmans, il ressort que la tendance générale s'affiche à la baisse. «Le nombre total d'actes comptabilisés par le SCRT (Service central du renseignement territorial, ndlr) en 2018 est de 100 (soit une baisse de 18% par rapport à 2017), ce qui en fait le seuil le plus bas depuis que ce service comptabilise les actes antimusulmans», indique la CNCDH, dont les chiffres fournis dans le rapport émanent de différents contributeurs, notamment les services du ministère de l'Intérieur (le SCRT est l'une de ses composantes). Instance indépendante, la CNCDH indique que les «actions» ont baissé de 38,4% sur l'année écoulée, contrastant avec une augmentation des «menaces» de 12,2 % par rapport à 2017. Les «actions» comprennent les homicides, les attentats et tentatives, les incendies, les dégradations, les violences et voies de fait, selon la classification de SCRT, tandis que les «menaces» englobent les propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, les inscriptions, et les tracts et courriers. Le nombre d'actes antiracistes de nouveau à la hausse «Si les arguments liés à un supposé conflit de valeurs sont souvent avancés, l'enquête CNCDH révèle que l'aversion à l'islam n'est en réalité pas liée à un attachement plus marqué au principe de laïcité, aux droits des femmes ou encore à l'acceptation des minorités sexuelles, c'est même l'inverse», analyse le rapport. Globalement, en 2018, 5 170 infractions de nature criminelle ou délictuelle commises en raison de l'origine, de l'ethnie, de la nation, d'une prétendue race ou de la religion ont été recensées par les services de police et de gendarmerie sur l'ensemble du territoire français, selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). C'est la troisième année consécutive de baisse pour ce contentieux (-4% entre 2017 et 2018, -11% entre 2016 et 2017 et -20% entre 2015 et 2016). Le Service central du renseignement territorial (SCRT) indique quant à lui que le nombre d'actes antiracistes est de nouveau en augmentation, après une baisse de plus de moitié entre 2015 et 2017, avec une hausse de quasiment 20% des faits comptabilités entre 2017 et 2018. Elaborer une politique pénale de lutte contre le racisme Le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme fournit également les bilans statistiques du ministère de la Justice sur les réponses pénales apportées en 2017 : 6 122 affaires comportant une ou plusieurs infractions commises en raison de la religion ou de l'origine de la victime ont été orientées par les parquets, soit une diminution respectivement de 22% des affaires et de 20% des auteurs par rapport à 2016. Pour la CNCDH, qui s'inquiète de la sous-déclaration persistante des actes racistes, cette baisse «pourrait également marquer une baisse de confiance des justiciables envers les institutions». De plus, le taux de réponse pénale était de 85% en 2017, en hausse par rapport à 2016 (83%). Là encore, des efforts doivent être réalisés. «Il convient de souligner que ce taux est toujours inférieur au taux de réponse pénale du contentieux général qui était de 87,6% en 2017. Pour la CNCDH, ce différentiel témoigne encore d'une difficulté à asseoir une politique pénale de lutte contre le racisme.» Enfin, le taux de classement sans suite par le parquet représente une affaire sur deux. La CNCDH note que «l'argument invoqué par le ministère tient souvent à l'impossibilité de poursuivre les auteurs. Dans 77% des cas, ce classement s'explique parce que l'infraction n'est pas suffisamment caractérisée. Cela interroge sur la manière dont sont conduites les investigations et dont est pris en compte le mobile raciste au moment du dépôt de plainte».