A Marrakech, le personnel de l'hôpital psychiatrique Saada est à son quatorzième jour de sit-in ouvert devant la Direction régionale de la santé. Son appel alertant sur la situation de l'établissement remet en avant la question de l'état de ces hôpitaux, souvent en surnombre et aux dispositifs défectueux. A leur quatorzième jour de grève et de sit-in ouvert, les équipes médicales de l'hôpital psychiatrique Saada à Marrakech avertissent sur l'infrastructure de cet établissement, en activité depuis 2009 et non préparé à accueillir les quelques 280 patients qu'il héberge actuellement. En effet, le personnel alerte sur les défauts entachant la gestion et la mise à niveau du lieu, ce qui, selon lui, met en danger directement la sécurité et la vie des patients. Contactée par Yabiladi, la section locale de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) qui s'est rendue sur les lieux ainsi qu'à l'espace du sit-in fait état d'«une absence totale d'éclairage extérieur, dans les passages de l'hôpital et les cuisines, des conditions d'hygiène pour le stockage des aliments et le matériel de cuisine». Elle relève également «l'assainissement défectueux et la détérioration des installations sanitaires qui représentent une menace pour les patients et le personnel de l'hôpital», «les multiples fuites d'eau» ou encore «les murs fissurés» et les fenêtres dépourvues de dispositif de sécurité dans les chambres des internés. Le lieu ne devait pas servir de centre psychiatrique Dans cet hôpital, «les chambres d'isolement ne répondent pas aux normes», tandis que l'absence de moyens d'immobilisation des patients, entre autre matériel, ne permet pas au corps médical d'accompagner ces derniers. «L'état de cet établissement ne lui permet par d'héberger les malades, nous explique Awatif Trii, présidente de l'AMDH à Marrakech. Les chambres ne sont pas isolées, ce qui expose les internés au suicide ; les portes sont en bois, elles sont poreuses et les exigences d'hygiène sont absentes, à tel point que des patients peuvent avaler leurs propres excréments…» «A l'origine, ce lieu n'a pas été construit comme un hôpital psychiatrique. Il allait servir d'orphelinat mais son donateur s'est confronté à des procédures longues et complexes, ce qui l'a décidé à en faire un département public.» Awatif Trii, présidente de la section de l'AMDH à Marrakech Repris par le ministère de tutelle, le lieu a ouvert en 2009 avec une capacité d'accueil de près de 160 lits, selon Awatif. Mais depuis l'opération Karama et la fermeture du Centre Bouya Omar, à 50 Km de Marrakech, le lieu a accueilli plus de 90 nouveaux cas. Dans cet espace, l'association indique que les patients sont aujourd'hui plus de 280. L'AMDH à Marrakech rapporte qu'une commission mixte a été dépêchée à l'hôpital, le 26 février dernier, sans grande communication. Ainsi, l'ONG alerte sur l'urgence de se pencher sur ces défaillances, appelant le ministère de la Santé et sa Direction régionale à mener une enquête. Elle préconise également une «intervention pour assurer la sécurité physique et psychique aux malades, en fournissant des conditions favorables à leur prise en charge et le matériel de traitement», en plus d'«engager un dialogue avec les grévistes et d'écouter leurs revendications». Pour l'association, il s'agit de «lier la responsabilité à la reddition des comptes» en définissant les parties derrière les conséquences de cette gestion. La situation de l'hôpital Saada n'est pas un cas isolé L'état lugubre de l'hôpital Saada n'est pas sans rappeler l'infrastructure délabrée de plusieurs autres établissements psychiatriques publics, qui sont également en surnombre. En témoigne l'état de l'un des plus anciens centres psychiatriques d'Afrique du Nord, l'hôpital Ar-razi à Berrechid. Relayées par Telquel.ma en mars 2018, des photos de l'association néerlandaise Circle of influence qui a organisé une levée de fonds montrent en effet des patients dormant et mangeant à même le sol, des portes en bois poreuses, des lits rouillés et des matelas très sales. Le directeur de l'hôpital, Mustapha Salih, explique à la même source être dans la contrainte de «garder en internement des malades qui ont été délaissé par leurs familles», ce qui prive d'autres patients d'une prise en charge durable. Pour lui, «il faut savoir qu'Ar-razi a été pensé comme un hôpital provincial, mais il se retrouve à assumer le rôle d'un hôpital interrégional, drainant les patients de huit régions distinctes».