Tourisme : Le Maroc pulvérise son record avec 17,4 millions de visiteurs en 2024    Ryanair lance une liaison aérienne entre Madrid et Dakhla    581 millions de dirhams pour réaménager Tanger et sa région    Marchica Med SA engage des fonds privés pour son méga-complexe touristique de 154 hectares    Revue de presse de ce jeudi 9 janvier 2025    Casablanca-Settat: Des élus accusés de spéculation immobilière illégale    Syrie: 37 morts dans des combats entre forces dominées par les Kurdes et pro-turques    Inondations en Espagne: Le soutien du Maroc illustre "la profondeur des relations" entre les deux pays    Medhi Benatia promu directeur du football de l'Olympique de Marseille    Le Raja maintient Hafid Abdessadek comme entraîneur intérimaire    Le temps qu'il fera ce jeudi 9 janvier    Turquie : Youssef En-Nesyri préfère Fenerbahçe au club de Ronaldo    Coopération judiciaire : Abdellatif Ouahbi reçoit l'ambassadrice du Danemark au Maroc    De violents incendies de forêt forcent des milliers d'évacuations à Los Angeles    Le petit-fils de Mandela parmi cinq personnes arrêtées pour détournement de voiture    Exclusif. Said Taghmaoui témoigne de l'enfer californien    2024 : Le BI-LENT entre fiertés nationales et failles politiques    Blocage au poste El Guerguerat en raison du non respect du visa électronique    Droit de Grève : L'Exécutif prêt à apporter "des amendements de fond" en réponse aux revendications des travailleurs    King's World Cup : Le Maroc terrasse les Etats-Unis et décroche son ticket pour les demi-finales    OM: Mehdi Benatia nommé officiellement Directeur sportif    À Dakhla, une délégation de sénateurs français constate les atouts commerciaux et économiques du Sahara    Rougeole : 41 cas d'infection recensés dans certains établissements pénitentiaires    Industrie cinématographique : le cadre final fixé    Morocco reaches Kings League semis with penalty win over US    Marc Marciano : « La musique adoucit les mœurs et participe à un apaisement entre les peuples ».    Maroc : Des associatifs condamnés pour détournement de fonds destinés à la lutte contre l'abandon scolaire    Snow-clearing efforts restore traffic on Targuist-Chakrane road in Al Hoceima province    Morocco's Social Security Fund announces openings for debt settlement initiative    Le Maroc plaide pour renforcer les usages de l'IA dans l'enseignement    Les autoroutes marocaines confrontées à des défis financiers, humains et infrastructurels majeurs, selon un rapport parlementaire explosif    Métapneumovirus humain: le professeur Afif s'élève contre les fausses informations    Canada : Justin Trudeau contraint à la démission    Le Polisario compte ses jours    Abercrombie & Kent dévoile un nouvel itinéraire de voyage de luxe au Maroc pour 2025    Au MMVI, Chaïbia Tallal/CoBrA au croisement des Libertés et des affinités artistiques    « Les amoureux de Moulay Idriss Zerhoun »    Tiznit célèbre le Nouvel an amazigh    Position extérieure marocaine : une situation nette débitrice de 785 milliards de dirhams à fin septembre 2024    Assaad Bouab à l'affiche de la série franco-galloise "Minotaur" aux côtés de Natalie Dormer    L'Académie du Royaume du Maroc réalise un documentaire audiovisuel sur l'art du Malhoun    Commission nationale des investissements : 171 projets approuvés, dont 53 financés par des investissements étrangers    L'Indonésie rejoint le bloc des BRICS    Real: Vinicius suspendu en Liga mais présent, ce jeudi, en Supercoupe !    Le sélectionneur Didier Deschamps quittera l'équipe de France après la Coupe du monde 2026    Guerre d'influence : La France face à la 5ème colonne algérienne [INTEGRAL]    Chambre des conseillers : présentation du projet de loi modifiant et complétant la loi relative à l'AMO et d'autres dispositions spécifiques    La CAF augmente les primes du CHAN 2024 : 3,5 millions de dollars pour le vainqueur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dissolution de Racines : Au Maroc, la lente agonie de la liberté d'expression
Publié dans Yabiladi le 23 - 01 - 2019

«En ordonnant la dissolution d'une association aussi dynamique, l'Etat est en train de détruire l'un des rares relais qui peuvent l'aider à combattre le radicalisme». Tel est le constat formulé par la journaliste et éditorialiste marocaine Nadia Lamlili qui revient, dans cette tribune, sur le verdict prononcé fin décembre par le tribunal de première instance de Casablanca, ordonnant la dissolution de l'association Racines.
En prononçant la dissolution de l'association Racines, le 26 décembre, au motif que cette dernière a hébergé un débat attentatoire aux institutions du pays, la justice marocaine a asséné un coup de plus à une liberté d'expression déjà sérieusement malmenée depuis une dizaine d'années.
Dans son verdict, le tribunal de Casablanca a considéré que l'association a outrepassé son champ d'action en ouvrant ses locaux à une web-émission, «1 dîner 2 cons» qui, comme son nom l'indique, est une talkshow où les invités discutent de l'actualité du royaume sur un ton léger et décalé. Autour d'une bière, les dîneurs se sont donc moqué du discours royal du 31 juillet qu'ils ont qualifié de «provocateur». Ils ont épinglé la corruption qui gangrène un programme social géré par le ministère de l'Intérieur. Un participant a même poussé l'audace jusqu'à dire que le Maroc est «un Etat policier» comme l'avait été la Tunisie de Ben Ali…Sacrilèges dans un royaume où toute expression, même pacifique, est régulée par des lignes rouges qu'aucun expert juridique n'a réussi, jusqu'à maintenant, à en délimiter l'étendue.
Racines, un combat acharné depuis 2010
Au Maroc, les lois, mouvantes, ressemblent à un éventail qui s'ouvre et se ferme en fonction de qui elles ont en face. Ces dix dernières années, à coups de procès et d'asphyxie financière, le pouvoir a réussi ainsi à liquider ou mettre en difficulté une bonne partie de la presse indépendante (Le Journal Hebdomadaire, Nichane, Akhbar Al Yaoum devenue Akhbar Al Yaoum Al Maghribia, Lakome…). Avec Racines, ce sont maintenant les associations qu'il a dans sa ligne de mire. D'autant qu'il s'agit d'une association qui compte à son actif de nombreuses actions citoyennes visant à repêcher une jeunesse noyée dans la violence, tiraillée entre le halal et le haram.
Maroc : La dissolution de l'association Racines scandalise plusieurs associations à l'étranger
Dans un pays où la culture artistique est quasi-inexistante dans les écoles, Racines a mené un combat acharné afin d'imposer les artistes de rue. Sur la place des Nations unies à Casablanca, ils sont maintenant nombreux à jouer du rock, de la fusion ou à danser la Capoiera devant un public conquis. Ces artistes ne sont pas à l'abri d'une intervention policière - bien que garantit par la Constitution, tout rassemblement public reste soumis à autorisation - mais se produire dans les rues leur permet de gagner en visibilité et, au passage, sensibiliser le citoyen à l'expression artistique. «La culture est la solution», scandent les promoteurs de cette association qui veut que les Marocains, toutes tendances et minorités confondues, se réapproprient leur espace public pour lutter contre les obscurantismes.
Depuis sa création en 2010, plus de 6 000 personnes ont bénéficié des ateliers de formation de Racines; 70 000 ont participé ou assisté à ses activités artistiques. Racines est, par ailleurs, membre observateur à l'Unesco et membre associé de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle. En Afrique et dans les pays arabes, on ne compte plus les réseaux qu'elle a pu tisser et les nombreux programmes culturels qu'elle a mis en place.
Une dissolution qui laissera un vide préjudiciable
En ordonnant la dissolution d'une association aussi dynamique, l'Etat est en train de détruire l'un des rares relais qui peuvent l'aider à combattre le radicalisme. Qui à part les associations pour lutter contre «la daeshisation» des esprits ? Qui colmatera la plaie d'un enseignement médiocre qui forme plus au chômage qu'à l'emploi ? Le tiers de la population marocaine est âgé entre 15 et 34 ans selon les statistiques officielles. Proie à l'abandon scolaire et à la défaillance du marché de l'emploi, cette jeunesse est livrée à la rue et aux embrigadements de tout genre. Dans les villes, quatre jeunes sur dix sont en chômage, une «bombe à retardement» que le pouvoir, à cours de solution, entend désamorcer en imposant le service militaire dès septembre prochain. C'est que les foules de chômeurs ont donné des foules d'indignés. Dans le Rif et la ville de Jérada, fiefs de contestations populaires en 2018, la plupart des manifestants étaient des jeunes sans horizons. Qu'a-t-on offert à ces jeunes ? Au terme de procès controversés, leurs leaders ont écopé de peines allant jusqu'à 20 ans de prison sur la base d'accusations surréalistes dont «l'atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat».
Au Maroc, le durcissement sécuritaire profite d'une insidieuse censure qui a frappé le milieu de la presse ces dix dernières années. En 2018, Reporters Sans Frontières (RSF) a classé le Maroc à la 135e place, dans la zone rouge, où la situation de la presse est jugée difficile. La liberté d'expression s'étiole alors que le pays connaît, paradoxalement, un des débats sociaux les plus dynamiques de la région. Mais ce foisonnement d'idées reste menacé par des lois arbitraires et une classe politique faible, incapable de le porter. De plus en plus, cette classe cède du terrain face à l'institution royale qui s'impose comme le premier acteur politique du pays et ne se prive pas, à coups de colère et de sanctions, d'en fustiger l'incompétence.
Maroc : L'association Racines réagit au verdict qui prévoit sa dissolution
Utilisés comme soupape de protection contre les révolutions arabes de 2011, les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) sont ainsi devenus la bête noire du pouvoir qui n'hésite pas à en exhiber les contradictions et les multiples faiblesses. Des affaires de mœurs, mais aussi des conflits internes et le manque de courage dont ils font montre, ont atteint leur crédibilité. Résultat : Voués à eux-mêmes, les Marocains en arrivent à inventer des formes de protestations inattendues, comme cette curieuse campagne de boycott qui a durement frappé, l'été dernier, trois marques commerciales jugées proches du régime.
La dissolution de Racines, si elle est exécutée - l'association a fait appel -, laissera un vide préjudiciable. Dans toute société, les gens ont besoin de canaux d'expression. Et comme la nature a horreur du vide, leur ras-le-bol trouvera d'autres voies, peut-être plus nuisibles pour l'Etat que ceux qu'il s'est employé à détruire.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.