Deux semaines après un verdict en première instance condamnant Racines à la dissolution, plusieurs structures culturelles et organisation de défense des droits humains à l'étranger réagissent. Le 26 décembre dernier, le tribunal de première instance de Casablanca a condamné l'association Racines à la dissolution, lui reprochant d'avoir agi en dehors de ses objectifs. L'été dernier, les locaux de la structure ont hébergé le tournage de la web-émission «1 dîner, 2 cons», animée par Amine Belghazi et Youssef El Mouedden. L'épisode réparti en trois volets et intitulé «L'épopée des nihilistes» a été mis en ligne en septembre dernier, provoquant l'ire de la Direction des affaires générales (DAG) à Casablanca Anfa. Encore sous le choc, des organisations internationales réagissent les unes après les autres, regrettant une telle décision. Amnesty International et Human Rights Watch montent au créneau Ce vendredi, Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) ont ainsi appelé les autorités marocaines à «immédiatement renoncer à leurs tentatives de dissolution de Racines, à la suite des propos tenus par les invités lors d'un débat mis en ligne». Dans leur déclaration conjointe, les deux ONG indiquent qu'Ahmed Reda Benchemsi, directeur de la communication et du plaidoyer pour la région MENA à HRW, a fait partie des invités, parmi lesquels certains ont «critiqué les discours et les politiques du roi Mohammed VI, dans un contexte de répression accrue des manifestations de rue». Sarah Leah Whitson, directrice du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord à HRW, considère que l'émission 1D2C «est l'un des rares espaces libres où le discours n'est pas censuré au Maroc». «En cherchant à dissoudre l'organisation qui l'a hébergée, les autorités envoient un message sombre aux journalistes et commentateurs critiques au Maroc pour les faire taire», ajoute la représentante associative. Contacté par HRW, le président de Racines, Raymond Benhaïm, indique que sa structure «n'a fait que mettre ses locaux à la disposition des auteurs de l'émission, à la demande de ces derniers». Pour Heba Morayef, directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International, «la décision de dissoudre Racines est un coup et une intimidation aux voix critiques pour les condamner au silence. Personne ne devrait être puni pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions ou pour avoir critiqué les institutions». Et d'ajouter : «Si les autorités marocaines tiennent vraiment à leurs engagements constitutionnels et internationaux de garantir la liberté d'expression et d'association, toutes les tentatives visant à dissoudre Racines doivent être immédiatement abandonnées.» A l'international, les réactions des ONG se succèdent Si les ONG de défense des droits humains se sont saisies de l'affaire en considérant qu'elle remet en question la garantie du droit d'association et la liberté d'expression, des structures culturelles ont également réagi à ce jugement auquel Racines veut faire appel. Ainsi, l'organisation caritative norvégienne Mimeta, qui agit dans le développement du secteur culturel, a relayé le communiqué de la structure marocaine, tout en réitérant son soutien. Jeudi, la Fondation Interarts basée à Barcelone a exprimé ses regrets de voir Racines confrontée à une telle situation, indiquant que l'association bénéficie d'une large confiance de structures internationales partenaires. Dans le même registre, le 14 janvier dernier, l'ONG Freemuse de défense de la liberté de création a également déploré le verdict, indiquant que «même sévèrement entravé par cette procédure, Racines est toujours capable de fonctionner et Freemuse continuera à suivre l'affaire de près». L'appel de Freemuse a également été relayé par la plateforme artistique continentale Music In Africa. Celle-ci rappelle que «pendant près de 10 ans, Racines, partenaire de longue date de Freemuse, a participé à repenser les politiques culturelles au Maroc à travers un plaidoyer en faveur de la liberté d'expression artistique, la formation et le renforcement des capacités des artistes». La date de la première audience en appel n'est pas encore connue, au moment où les activités de Racines sont mises à mal lorsqu'elles se tiennent à l'extérieur de ses locaux. Samedi dernier, un évènement aurait dû être déménagé à ses bureaux, sous les pressions présumées des autorités locales sur le Théâtre Nomad, basé aux Anciens Abattoirs et qui devait accueillir la rencontre. Article modifié le 2019/01/18 à 20h30