La jeunesse marocaine devient de plus en plus violente. C'est une réalité qu'on ne peut plus nier. Pourtant, on peut bien y trouver des solutions, après l'avoir bien étudiée. C'est ce à quoi se livre Fatima Mernissi dans son ouvrage «Réflexions sur la violence des jeunes». Entre ceux qui se sont précipités pour donner leur sang, suite au déraillement du train dans la région de Bouknadel le 16 octobre dernier, ceux qui ont profité de la situation pour doubler et tripler les prix des déplacements entre Rabat et Kenitra, et ceux encore qui ont volé les portables et les autres biens des victimes, se dessine l'image d'un Maroc tiraillé entre des valeurs complètement opposées. Tout en saluant l'initiative des donneurs du sang, on se trouve face à une interrogation qui s'impose. Pourquoi ces affaires de vol ? Pourquoi en est-on arrivés là ? Pourquoi autant de violence ? Dans son œuvre collective, «Réflexions sur la violence des jeunes», Fatima Mernissi tente d'analyser ce phénomène qui s'est propagé au sein de notre société et surtout auprès de la jeunesse. Qui en est responsable ? Quelles en sont les causes ? Existe-t-il des solutions pour éradiquer ce fléau ? Les parents ne remplissent plus leur rôle Toutes les personnes interrogées dans cet ouvrage soutiennent que «le problème provient de l'éducation [et] de l'école». Mais ce qu'il faut signaler, c'est qu'une «éducation se fait logiquement d'abord chez soi et ensuite à l'école». C'est aux parents que revient alors la plus grande part de responsabilité. Néanmoins, ce qui se passe actuellement chez nous, c'est que les parents sont plus occupés à assurer un confort matériel à leur progéniture. Conséquemment, ils n'ont pas assez ou presque pas de temps à accorder à leurs enfants. Ce vide résultant de l'absence des parents est souvent comblé, chez les jeunes, par des activités le plus souvent non contrôlées. Tout cela peut créer des dérèglements chez les jeunes. Ces derniers ont besoin d'un suivi au jour le jour, chose qui n'est pas ou peu accessible aux parents trop occupés par leurs besognes. L'école n'accomplit plus sa mission «L'école est-elle aujourd'hui ce qu'elle est censée être ?», s'interroge l'un des intervenants. En vue de répondre à cette question, il faut d'abord reconnaître que tous les Marocains n'ont pas les moyens d'inscrire leurs enfants dans des établissements d'enseignement privés. Le seul choix qui reste à ces parents, c'est l'enseignement public. Pourtant, avec un classement en bas de liste à l'échelle internationale, notre enseignement public ne se trouve pas vraiment à la hauteur. Avec «des classes déglinguées et une qualité de l'enseignement qui laisse à désirer», on ne peut pas s'attendre à des miracles. Il faut dire que «l'enseignement public a montré ses limites pour ne pas dire tout simplement a échoué», affirme l'un des interviewés. Résolument, «l'école a perdu son autorité, les parents aussi», atteste un rhéteur. L'espoir existe toujours Après avoir analysé la situation, Fatima Mernissi propose deux solutions pour se défaire de cette violence qui dévaste notre société. D'abord, il faut s'attacher à des valeurs sûres, à savoir «les valeurs de respect de soi (…) et de l'autre» dont l'inculcation revient aux parents et à l'école qui doit, par la même occasion, être remise en cause en vue d'offrir un enseignement de qualité. Puis, il devient indispensable d'occuper la jeunesse, moyennant des activités intellectuelles et éducatives. «Nos villes ont besoin de centres culturels», souligne la sociologue. Il faut former les jeunes dans le but de les amener à devenir créatifs. Evidemment, «la qualité de leur création pourrait être meilleure si on leur offrait un encadrement et un accompagnement adéquats». C'est là qu'apparaît la responsabilité de nos intellectuels : «Nos intellectuels [devraient] se porter volontaires pour être mentor chacun dans son domaine.» De cette façon, la jeunesse marocaine abandonnera sa violence, car de la sorte, «elle retrouvera» de l'espoir, et «à quoi s'accrocher», conclut Mernissi. Fatima Mernissi, Réflexions sur la «Violence» des jeunes, Ed. Le Fennec, 2015, 189 p.