La formation des soignants n'a pour but que de soigner correctement les malades. Mais lorsque la compétence se monnaye, elle se raréfie. De plus, cette vision capitaliste installe une certaine médiocrité au lieu de l'excellence recherchée. La compétence est une nécessité pour n'importe quel soignant médical ou paramédical. Celle-ci s'acquière au prix des années d'examens, d'apprentissage et d'accompagnement. Aussi bien sur les bancs des universités, des instituts que dans les services formateurs des centres hospitaliers universitaires, le but de former les soignants n'a jamais été et ne sera jamais celui de gagner de l'argent ; mais de soigner correctement les malades. Ces malades qui, un jour, pourraient être les soignants eux-mêmes ; leurs enfants, parents ou membres de leurs familles ou amis, devraient pouvoir être soigner correctement et n'importe où dans le pays. S'attarder sur la moyenne efficace Un certain nombre de soignants sont salariés et d'autres exercent dans le secteur libéral, monnayant leurs prestations et efforts. Quand la compétence est monnayée, comme c'est le cas dans plusieurs pays du Sud, les prestations sanitaires publiques subissent un déséquilibre et la population ressent cette différence dans sa chair avant son porte-monnaie. Dans ce cas, les détenteurs du moindre savoir font en sorte de ne délivrer qu'une partie de leurs savoir ou le monnaye à leurs tours. Le résultat est l'installation par cette vision capitaliste d'une certaine médiocrité au lieu de l'excellence recherchée. Et puisque la ruée vers le savoir n'a d'autre motif que de le monnayer, il ne se fera que vers les disciplines faciles ou qui rapportent au détriment de la couverture globale de la population pour un bien être partagé. Dans tous les domaines, il y a des excellents qui sortent du moule parce qu'ils ont des facultés supérieures ou une meilleure dextérité à manier les scalpels. Mais, la vision globale devrait s'attarder sur la moyenne efficace et les possibilités de ramener ceux et celles qui ont le plus de difficultés vers cette moyenne. Chose essentielle pour un service rendu de qualité acceptable pour toute la population. Quoi qu'on puisse penser, on fait partie de la population et les circonstances de se retrouver dans le besoin et l'accident ne manquent pas. Alors, si les pauvres ont une mauvaise prise en charge et un mauvais traitement, on risque de l'avoir, il suffit de sortir des sentiers battus et de ne pas avoir ses moyens de paiements sur soi. Investir dans les êtres humains Quand la compétence se monnaye, elle se raréfie parce qu'elle devient l'apanage de quelques «happy few» qui ont la chance de naître du bon côté d'une ligne imaginaire qui sépare la population ou qui ont une volonté et une énergie de fer. Le reste, même s'ils ne sont pas mauvais puisqu'ils ont réussi les concours et les examens, ont passé des nuits blanches, ont eu raison des économies de leurs familles, risquent de n'obtenir que peu de savoir durant leurs apprentissages. Ceci est valable dans toutes les spécialités médicales. Mais quand il s'agit des urgences, réanimation, cardiologie, ou encore la maternité, les manquements sont funestes pour la population. Pour ne pas rester dans le constat et la narration, et malgré les portes fermées par les lobbies, j'ai pu avec mes collaborateurs réaliser des dizaines de formations en chirurgie pelvienne pour les médecins et un apprentissage en obstétrique d'urgence et réanimation des nouveau-nés en salles de naissance pour les sages-femmes. On continue par l'enseignement des principes de l'échographie et des rythmes cardiaques fœtaux, et une délivrance des bases de secourisme et soins d'urgence pour les jeunes enclavés des villages de l'Atlas et bientôt le Rif. Investir dans les êtres humains, c'est permettre à une bonne partie des soignants d'acquérir un savoir et une formation continue nécessaire et salvatrice pour eux et pour la population. C'est le concept de l'économie de la connaissance qui demande de la volonté, du temps et de l'énergie. Elle permet d'enrichir l'autre, sans jamais appauvrir le donateur. Mieux encore, cela lui procure un sentiment de partage inestimable et une haute idée de soi-même. C'est ce qui différencie l'économie de la connaissance qui développe le pays et les compétences de l'économie de la rente qui n'installe que la médiocrité.