«L'agriculture bio au Maroc ? Mais tout est bio chez nous !» Faux. Le bio reste loin des priorités des consommateurs et de beaucoup d'agriculteurs marocains. 175 exploitants ont toutefois reconnu le potentiel à l'export des produits bio. Un projet de loi a été lancé pour faciliter ces exportations vers l'Union européenne mais aussi pour réglementer le secteur. Positif pour les exportations marocaines et un premier pas vers une conscience bio du consommateur L'agriculture bio existe au Maroc mais n'est pas destinée aux Marocains. Cherchez une étiquette bio dans les supermarchés de Casablanca, Rabat ou d'autres villes du royaume, vous n'en trouverez pas. Pourtant, il peut arriver qu'une partie de la récolte bio soit vendue sur le marché marocain. Elle passe alors inaperçue car les produits ne peuvent pas être labellisés comme tels. «Aujourd'hui, il n'y a pas de cadre juridique pour la production biologique», explique Khadija Bendriss, chef de la division de labellisation au ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime. «Les produits bio ne peuvent pas être mis en valeur au Maroc.» Le vide est sur le point d'être comblé : un projet de loi a été présenté au parlement marocain, en avril 2011. Son cahier des charges a fait l'objet d'un séminaire où professionnels du secteur, autorités marocaines et deux spécialistes allemands, invités pour l'occasion, ont discuté d'une première version, les 28 et 29 juin, à Rabat. Une part croissante des terres agricoles 625 000 hectares, soit un peu moins de 7% des terres agricoles marocaines, sont cultivés selon des principes «bio», révèle une récente étude du service coopération agricole de l'ambassade allemande au Maroc. La plus grande partie de ces terres, environ 400 000 ha, revient aux plantations d'arganiers. Fruits et légumes, olives, câpres, mais aussi plantes aromatiques et médicinales se partagent les terres restantes, explique Khadija Bendriss. Il n'existe pas de production animalière bio au Maroc. Avec des coûts de production élevés, même dans le conventionnel, l'exportation de viandes bio ne serait pas concurrentielle. Une situation problématique estime Ingo Braune, conseiller ministériel au ministère allemand de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Protection des consommateurs, car «le concept de l'agriculture bio est basé sur une gestion en cycles. On a besoin de cycles complets. Si certains éléments manquent, on ne peut pas aboutir à cette gestion en cycle.» Une production vouée à l'export Les premières exploitations bio ont été lancées dans les années 90 au Maroc et, dès le départ, elles produisaient pour l'export. La possibilité de disposer des produits bio plus tôt dans la saison a attiré plus d'un importateur, surtout des Français. Au total, environ 10 000 tonnes de fruits, légumes et produits transformés bio sont exportés chaque année par le Maroc. 31% de ces exportations sont destinées au marché français. L'Allemagne, seconde destination, arrive loin derrière avec 4% des exportations. Primeurs Bio du Souss (PBS), la plus grande des 175 exploitations bio au Maroc, exporte vers la France, grâce à un accord de commercialisation exclusif avec le groupe de distribution français ProNatura. Pourtant, l'Allemagne, premier marché de bio en Europe avec un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros et un tiers des produits bio importés, intéresse aussi les producteurs marocains et vice-versa. «Il y a un intérêt pour les fruits et légumes qui ne sont pas produits chez nous ou qui le sont plus tard dans l'année, explique Ingo Braune, mais il faut voir que le marché est disputé. L'Espagne a une gamme d'aliments similaires, la Turquie et l'Egypte, en partie, aussi. Au Maroc, il ne suffit donc pas de produire du bio, il faut aussi être concurrentiel.» Fluidifier le passage des frontières Être concurrentiel passe, notamment, par une réglementation moderne sur le bio qui corresponde aux normes européennes or elle fait encore défaut au Maroc. Depuis 1990, une circulaire permettait d'exporter, mais ce n'est que suite au Plan Maroc Vert que des concertations ont été menées avec les professionnels du secteur du bio», explique Khadija Bendriss. Résultat : une loi régissant l'agriculture bio a été formulée et n'attend plus que l'aval du parlement pour entrer en vigueur. «Aujourd'hui, chaque produit doit être autorisé au cas par cas. On analyse s'il est compatible avec les règles de l'UE, explique le Dr. Braune, alors que s'il y a des règles au niveau national qui sont reconnues par l'UE, cette procédure longue et coûteuse ne sera plus nécessaire.». Les produits bio «auront toujours besoin d'être certifiés, mais il sera possible d'avoir des organismes de certification marocains que ce soit privés ou publiques», ajoute Thierry Givernaud, gérant de STECOF et représentant du certificateur allemand QC&I au Maroc. Le label «bio» pourra ainsi faire son entrée au Maroc. Le marché intérieur, base de développement L'enjeu de ce statut est moins quantitatif que qualitatif. Il existe, certes, des initiatives locales, comme les Jardins de Dar Bouazza de l'association Terre et Humanisme qui vend des paniers de légumes bio à Casablanca. Cependant, «le marché restera pour le moment très étroit, estime Thierry Givernaus. Le revenu moyen d'un foyer est entre 4000 et 7000 DH par mois. Cela laisse peu de marge pour vouloir payer plus cher les produits alimentaires bio.» Cependant, pour un développement durable de l'agriculture bio au Maroc, le secteur ne doit pas être focalisé entièrement sur l'export, indique Ingo Braune. «Il faut qu'il y ait un marché local, même s'il est minime», explique-t-il. Si sa consommation est en pleine expansion en Europe de l'ouest, elle reste très sensible aux fluctuations du marché. Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°9