L'héritage au Maroc continue de faire débat. Cette fois-ci, une centaine de Marocains de différents courants se sont unis pour appeler à l'abrogation de la règle du Ta'sib. Ils sont près d'une centaine, intellectuels, auteurs, universitaires, chercheurs en pensée islamique, artistes, militants associatifs et membres de la société civile à s'être tous engagés pour une même cause : l'abrogation de la règle successorale du Ta'sib. Ces derniers se sont réunis en tant que premiers signataires d'un appel pour changer cette règle de l'héritage. Parmi les nombreux noms sur la liste figurent Asma Lamrabet, médecin et essayiste, Rachid Benzine, islamologue et chercheur, Latefa Ahrare, actrice, Sanaa El Aji, journaliste et chercheuse en sociologie, Driss Ksikes, écrivain, Houcine Louardi, ancien ministre, Leila Slimani, écrivaine et Khadija Riyadi, ancienne présidente de l'AMDH. Et la liste est encore longue. La démarche a été entamée par un groupe d'auteurs d'un ouvrage collectif sur la problématique de l'héritage au Maroc, récemment publié en trois langues : «L'héritage des femmes» en français, «Mirath An-nissae» en arabe et «Women's inheritance» en anglais. Incompatible avec la société marocaine actuelle Le Ta'sib est «une règle inscrite dans le code marocain de la Famille qui oblige les héritières n'ayant pas de frères à partager leurs biens avec des parents mâles du défunt, même éloignés (oncles, cousins, etc.)», rappelle un communiqué de presse reçu par Yabiladi. Toutefois, il «ne correspond plus au fonctionnement de la famille marocaine et au contexte social actuel, il précarise les femmes les plus pauvres, il oblige de nombreux parents à céder leurs biens, de leur vivant, à leurs filles, et enfin, il est un pur produit du fiqh et n'obéit pas à un commandement divin», poursuit la même source. Certaines orphelines se retrouvent dans l'obligation de partager l'héritage avec les parents mâles les plus proches ou, à défaut, avec les parents les plus éloignés «même inconnus et n'ayant jamais eu de liens avec la famille». Les hommes peuvent avoir tout l'héritage de leurs parents, tandis que «les femmes héritent de parts fixes (fardh) et ne peuvent pas recueillir la totalité de cet héritage lorsqu'elles sont les seules héritières», précise le texte. L'héritage par ta'sib ne correspond plus à la société marocaine de nos jours, puisque les femmes deviennent des piliers en participant «souvent à la prise en charge des besoins de leur famille d'origine dont elles sont parfois l'unique soutien». Les femmes mariées assistent également financièrement leurs époux. Par ailleurs, le nombre de «femmes livrées à elles-mêmes, célibataires, divorcées ou veuves, avec ou sans enfants, a nettement augmenté». Une famille sur cinq est prise en charge par une femme, selon les chiffres du Haut-Commissariat au Plan. «Pourquoi maintenir une règle qui non seulement n'a plus de justificatif social mais qui, de plus, relève d'une jurisprudence (Fiqh) et n'a aucun fondement coranique ? Bien au contraire, dans le contexte d'aujourd'hui, le ta'sib va à l'encontre des principes de justice du Coran ('adl) et non dans le sens de ses finalités (maqasid).»