En 2011, des milliers de Marocains sont descendus dans les rues, portant des revendications politiques, économiques et sociales sous l'étendard du Mouvement du 20 février. Sept ans plus tard, que reste-t-il de l'esprit de cette contestation ? Au lendemain du déclenchement de la Révolution tunisienne et la chute du régime Ben Ali le 14 janvier 2011, un groupe de jeunes marocains a lancé des appels à manifester sur Internet. Des coordinations locales ont commencé à voir le jour, initiées par des jeunes perçus jusque-là comme étant «éloignés de la pratique quotidienne de la politique». Il ont ainsi défendu des revendications à caractère économique, politique et social, en organisant des meetings et en préparant en amont les rassemblements. La date des premières manifestations prévues simultanément dans plusieurs villes est fixée un dimanche matin : Le Mouvement du 20 février (M20F) était né. Des milliers de Marocains sont descendus dans les rues, en scandant des slogans au nom de la liberté, de la dignité et de la justice sociale. Ils dénoncent la corruption et le despotisme, rejoints par des associations de défense des droits humains, des centrales syndicales et quelques partis politiques. Dans les rues, la contestation a duré plusieurs mois. Le 9 mars 2011, le roi Mohammed VI prononce un discours où il annonce la création d'une Commission consultative pour la révision de la Constitution et promet des réformes sectorielles. Le référendum du 1e juillet a permis l'adoption de la nouvelle constitution, suite à laquelle les élections anticipées du 25 novembre 2011 ont propulsé à la tête du gouvernement l'ancien secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane. Deux tendances parmi celles qui sont sorties lors de la première manifestation, le 20 février 2011, reviennent auprès de Yabiladi sur ce qu'il en reste. Mustafa Brahma : «Le mouvement a montré qui sont les véritables militants» Mustafa Brahma, secrétaire général du parti Annahj Addimocrati, a déclaré à Yabiladi que «le Mouvement du 20 février a remis en éveil l'aspiration des Marocains à la démocratie et à la liberté, une démarche de changement révolutionnaire». Pour le militant «le régime a réagi dans une logique de contournement, à travers le discours du 9 mars 2011 et la Constitution accordée. Cependant, le plus grand apport du Mouvement a été de briser les barrières de la peur. Aujourd'hui, son esprit révolutionnaire retrouve sa continuité dans la mémoire des Marocains pour poursuivre le changement. Ceci s'illustre à travers les contestations actuelles dans le Rif, à Jerada et dans toutes les villes où les populations se sont levées contre l'injustice sociale». Mustapha Brahma considère que la contestation du M20F a démontré la valeur de chaque partie prenante dans le processus du changement : «Aujourd'hui, il est clair que le modèle de développement proposé par l'Etat est un échec. Le Mouvement du 20 février a profondément bouleversé les structures et suggéré la possibilité d'un vrai changement. L'Etat tente de faire avorter le processus révolutionnaire dans le monde arabe et au Maghreb pour intimider le peuple contre tout soulèvement.» Pour le numéro 1 du parti marxiste-léniniste, l'avantage d'un tel mouvement est d'avoir «constitué une mise à l'épreuve sur les plans politique et populaire, ayant permis de différencier entre ceux qui sont prêts à assumer les responsabilités dans un changement révolutionnaire et ceux qui y sont réticents. Par ailleurs, le mouvement a montré le vrai visage du PJD, de l'USFP et du PPS». Mustapha Brahma affirme que la naissance du M20F a également «prouvé que la vraie gauche est représentée par Annahj Addimocrati, la Fédération de la gauche démocratique (FGD) ainsi que les groupes émanant des mouvements de contestation sociale». Par ailleurs, il affirme que cet épisode rappelle les urgences d'aujourd'hui : «Nous devons constituer un front démocratique porté sur les grandes questions sociales et politiques, englobant les organisation syndicales, les défenseurs de droits humains et les mouvement sociaux. Par ailleurs, il est important de constituer également un front sur le terrain afin de lutter contre le makhzen, qui constitue un obstacle à la marche populaire des Marocains pour leurs droits. Je vois qu'Al Adl Wal Ihsane peut y avoir sa place, étant donné sa participation au début du Mouvement du 20 février.» Mounir Jouri : «Le changement reste un long chemin» Dans un entretien accordé à Yabiladi, Mounir Jouri, membre du Secrétariat politique d'Al Adl Wal Ihsane, a déclaré que le M20F faisait désormais partie de l'histoire contemporaine du Maroc. «Il se caractérise par le fait d'avoir réussi à rassembler différentes tendances politiques de la société marocaine, ajoute-t-il. Son caractère pacifique englobant plusieurs dimensions revendicatives traduit véritablement une conscience et une maturité politiques distinguées, ce qui a donné un nouveau souffle à la contestation politique au Maroc». Mounir Jouri a ajouté que le Mouvement avait «laissé un impact positif sur la conscience collective, tel un processus de libération des années de peur et de censure concernant les questions politiques et sociétales de fond. La société marocaine est devenue bien consciente de son rôle dans le changement». Si le membre de la Jamaâ considère que le Mouvement du 20 février a été une occasion pour initier le changement, il concède que ce dernier demande du temps : «Le Mouvement du 20 février constitue un chapitre sur la voie du changement. Nous sommes bien conscients que la mise en application de toutes les aspirations de ce mouvement prendra du temps.» Par ailleurs, Mounir Jouri voit que «la conscientisation de la société marocaine sur ses droits est fortement palpable depuis 2011. De ce fait, ces expériences passées depuis sept ans ont contribué à la maturité du combat pour la démocratie toujours en marche».