Encore une année difficile pour les migrants et les réfugiés de par le monde. La mobilité, activité humaine vieille de nombreux siècles, se trouve plus que jamais confortée par la (dé)raison d'une mondialisation où les marchandises doivent circuler librement et les êtres humains sont soumis aux frontières et grillages. D'un côté, la migration Sud-Nord s'accompagne de l'esclavage, de morts aux frontières, d'enfermement, de camps, de maintien durable et programmé dans la condition de sans-papiers. De l'autre, la migration Nord-Sud est à l'opposé fluide, facilitée et souhaitée dans le cadre d'une économie mondiale basée sur le tourisme et une mobilité à géométrie variable. Entre ces deux faces de Janus, l'Europe et l'Amérique du Nord tentent de dissimuler les autres mouvements migratoires Sud-Sud qui représentent l'essentiel des migrations, surtout sur le continent africain. La planète compte 257 millions de migrants internationaux. 36% de cette migration est Sud-Sud, sans parler de la migration inter-africaine qui représente 80% des mouvements migratoires sur le continent. Mais ces chiffres ne font pas la Une des médias. Salaheddine Lemaizi, journaliste, lauréat du Migration Media Award 2017. / DR C'est dans ce contexte, marqué par la fermeture des frontières au Nord et l'externalisation de leur gestion au Sud (comme au Maghreb), que de jeunes Africains continuent de risquer leur vie sur des routes périlleuses pour fuir la prédation économique et/ou la répression politique (à l'instar des Rifains qui rejoignent l'Espagne depuis l'été 2017). Cette mobilité périlleuse n'est pas la bienvenue pour des opinions publiques européennes alimentées par des courants nationalistes et xénophobe. Les préoccupations sécuritaires et répressives continuent de dessiner les politiques migratoires dans ces pays, se traduisant par un accueil frileux et indigne fait aux migrants et aux réfugiés. Cette trame de fond est reprise par nos pays du Sud, sous l'influence intéressée d'une Europe en crise sévère de solidarité et de perte de son sentiment d'humanité. Une crise de l'accueil, pas de la migration Dans nos pays du Sud, nos dirigeants font tout pour mimer cette Europe déshumanisée, reprenant à leur compte les termes du débat migratoire européen dans un contexte différent et appliquant les mêmes recettes avec un excès de zèle propre aux régimes autoritaires. Ce mimétisme du Maghreb contribue à façonner (le non) accueil réservé aux migrants subsahariens de passage par nos pays. Les situations différentes de Tamanrasset en Algérie, de Nador et Casablanca au Maroc sont le produit des mêmes causes. À leur source, des politiques nationales en manque d'autonomie par rapport à l'Europe et un prisme sécuritaire excluant un accueil digne des migrants. Dans le cas de la situation d'Oulad Ziane à Casablanca, campement informel d'une centaine de migrants au cœur de Casablanca, nous sommes dans une configuration absurde où l'Etat marocain n'arrive pas à -ne veut pas- fournir des installations sanitaires aux migrants, dont de nombreux enfants. Mais l'Etat marocain n'a pas le monopole de la bêtise. Son alter ego, l'Etat français, ne daigne pas non plus assurer, et ce depuis des années, un accueil digne aux migrants dans le campement de Calais. Cet hiver, les polices de Paris comme de Casablanca continueront la traque aux migrants. Les médias xénophobes poursuivront le travail pour alimenter un débat déjà anxiogène. L'immigration, le vivre ensemble et l'identité ne peuvent être débattus au Maghreb et au Maroc sans y ajouter d'autres termes, à savoir la cohésion sociale, les fractures urbaines, la paupérisation des classes sociales, la dépendance à l'Europe et la démocratisation de la société et l'Etat. Visiter le site de l'auteur: http://journalinbled.wordpress.com/