Comme chaque année, le 18 décembre est la Journée internationale des migrants. Le Maroc, depuis l'instauration de la Stratégie nationale d'immigration et d'asile (SNIA), en septembre 2013 par le roi Mohammed VI, est devenu un pays d'accueil, en plus d'être un pays de transit pour les migrants qui rêvent d'Europe. Yabiladi a interviewé Anna Fonseca, chef de mission au Maroc de l'Organisation internationale pour la migration (OIM), pour avoir un bilan des avancées du Maroc dans ce domaine. Quelle est la situation des migrants dans le royaume ? Pour l'OIM, le jour des migrants, c'est tous les jours. Ceci dit, la journée internationale des migrants reste l'occasion de sensibiliser tous les Etats dans le monde. C'est l'opportunité de rappeler ce que dit toujours notre directeur général (William Lacy Swing, ndlr) lors des conférences internationales et des réunions : «La migration n'est pas un problème à résoudre mais une réalité humaine à bien gérer.» Il faut féliciter le royaume pour sa politique nationale migratoire qui a créé un système, un cadrage permettant la bonne gestion et la bonne gouvernance de la migration. C'est un ensemble de plusieurs programmes qui touchent différents secteurs du développement et de la société, comme la santé, l'éducation, l'intégration des migrants pour leur employabilité au Maroc, etc. L'OIM continue d'apporter son soutien technique et son appui aux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui travaillent directement ou même indirectement sur les questions migratoires. Notre objectif, c'est de soutenir ces acteurs à bien intégrer l'immigration dans leur cadre stratégique, de travail. Nous travaillons régulièrement et étroitement avec le ministère chargé des Affaires de la migration et d'autres ministères, comme celui de l'Intérieur et ceux qui intègrent de plus en plus la question de l'immigration dans leur stratégie nationale, par exemple le ministère de la Santé et celui de l'Emploi. On continue à mettre en œuvre des programmes d'assistance directe aux migrants, qui touchent notamment la question humanitaire, et à évoquer la vulnérabilité des migrants qui passent aujourd'hui au Maroc et ont besoin d'être aidés et intégrés. Les deux phases de régularisation au Maroc se sont bien passées pour ceux qui veulent s'intégrer dans le royaume, ou qui souhaitent bénéficier d'une aide directe pour rentrer chez eux. Les ONG et les associations, ici, font un travail très positif. Il y a déjà un grand esprit de collaboration pour soulever les questions migratoires et aider les migrants les plus vulnérables. Il faut aussi penser aux Marocains résidant à l'étranger. Le Maroc reste un pays de départ depuis longtemps. En cette journée internationale, pensons à nos frères, cousins, les 5 millions de MRE dans le monde. Comment se passe l'intégration des migrants au Maroc ? Le Maroc, s'il est un pays de départ, est aussi un pays de transit, notamment vers l'Europe. Les migrants sont très mobiles, ils ne restent pas ici longtemps, mais certains d'entre eux s'installent dans le royaume. Un certain pourcentage vient d'être régularisé et d'autres ont commencé le processus de régularisation. Pour un pays d'accueil comme le Maroc, la priorité c'est de bien intégrer les migrants. Pour ce faire, il y a tout un processus qui entre dans la politique migratoire. Le Maroc enregistre des progrès puisque la politique migratoire intègre la question de l'accès aux services de base : éducation, santé mais aussi la possibilité de donner l'opportunité au travail, c'est-à-dire intégrer les migrants dans le marché du travail. Tout ceci nécessite une coopération et une coordination avec les acteurs locaux, régionaux et nationaux. Quelle nationalité est la plus représentée chez les migrants au Maroc ? Les données que nous avons à travers notre travail de recherche et les rapports que nous avons effectués sont basées sur les programmes à mettre en œuvre. Nous n'avons pas de recherches qui indiquent des chiffres précis sur les différentes nationalités. Les pays d'Afrique de l'Ouest, notamment les pays francophones (Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée Conakry, Mali), sont les plus représentés au Maroc. Ils ont besoin d'aide humanitaire, mais commencent aussi à être intégrés dans le royaume en tant que pays d'accueil. Il y a toute une liste des différentes nationalités, pas seulement francophones, mais aussi lusophone (Angola, Guinée-Bissau) et anglophone (Nigéria) présentes dans le pays, mais nous avons aussi des pays en dehors de l'Afrique, par exemple les Philippins. On parle aujourd'hui du Maroc comme un pays d'accueil, dans une situation comparable à certains pays européens et d'autres pays qui reçoivent toute une diversité de nationalités. Le mieux à faire est de travailler à mieux gérer la migration, avec les différents acteurs, pour que cette dernière contribue au développement. Il faut faire de plus en plus d'actions pour montrer que cette diversité, cette contribution, cette jeunesse (des migrants âgés entre 16 et 25 ans) est une richesse. La ressource de tous les pays d'Afrique, c'est la jeunesse. Il faut travailler plus pour cette jeunesse, et bien gérer sa mobilité. Ça ne concerne pas seulement le Maroc, c'est un effort international à fournir pour ces jeunes-là. C'est une question internationale à résoudre de manière internationale. Le Maroc est bien positionné pour amener sa contribution en tant que pays de départ, de transit et d'accueil, notamment parce que le Global Forum de la migration et du développement va se passer en 2018 au Maroc. Le roi Mohammed VI a pris un rôle important dans les questions migratoires, dans le cadre de l'Union africaine. Le Maroc continue de prendre part aux dialogues internationaux pour bien adresser les questions migratoires. Une vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux, où un jeune migrant pousse un cri du coeur en disant que la plupart des migrants qui viennent au Maroc, en transit, sont diplômés et peuvent travailler… Il existe au Maroc un flux migratoire de différentes nationalités avec des situations personnelles uniques. Chacun a sa propre raison qui l'a poussé à quitter son pays. La principale raison c'est que ces jeunes ne trouvent pas d'opportunité de travail dans leur pays d'origine. Ce sont des profils différents avec une diversités de compétences, d'aptitudes et de background. Il y a certains qui sont diplômés. Les migrants ne sont pas automatiquement les plus pauvres. C'est très important le rôle des médias de briser les stéréotypes qui existent comme quoi les migrants sont vulnérables, qu'ils n'ont rien, aucune compétence, etc. La vérité c'est que les migrants les plus vulnérables sont les plus résiliants. Aujourd'hui, l'OIM discute de la vulnérabilité pour aider les migrants, mais en même temps on parle de la résilience aussi. C'est sur côté là qu'il faut s'appuyer, sur les aptitudes, les profils et la diversité que les migrants apportent. Ce sont des facteurs clés pour le développement dans le pays d'accueil. Différentiation entre le terme réfugié et migrant Souvent, les termes réfugiés et migrants sont utilisés pour désigner les mêmes groupes de personnes, alors que ce sont deux termes ne veulent pas du tout dire la même chose. Les réfugiés sont des personnes «qui fuient des conflits armés ou la persécution. Ils étaient au nombre de 21,3 millions à travers le monde à la fin 2015. Leur situation est périlleuse et intolérable au point qu'ils traversent des frontières nationales afin de trouver la sécurité dans des pays voisins, et ils sont par conséquent reconnus internationalement en tant que réfugiés accédant à l'aide des Etats, du HCR et d'autres organisations. On les identifie précisément car il est dangereux pour eux de retourner dans leur pays, d'autant qu'ils ont besoin d'un refuge ailleurs. Ne pas accorder l'asile à ces personnes aurait potentiellement des conséquences mortelles», lit-on sur le site du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Les migrants sont des personnes qui ont quitté leur «lieu de résidence habituelle, franchi ou [ont] franchi une frontière internationale ou se [sont] déplacés à l'intérieur d'un Etat», explique le site de l'OIM. Par ailleurs, la définition varie selon «le statut juridique de la personne», «le caractère, volontaire ou involontaire, du déplacement», «les causes du déplacement» ou «la durée du séjour», conclut la même source.