Les événements tragiques qui ont frappé en janvier dernier le Centre culturel islamique de Québec ont laissé une trace douloureuse dans le cœur des Québécois de confession musulmane. Ils ont également soulevé des failles et des questions sur la possibilité, pour les musulmans de la ville de Québec, de se doter d'un cimetière. Détails. Dimanche 29 janvier 2017 est sans conteste une date gravée dans la mémoire des Québécois de confession musulmane. Et pour cause, la grande mosquée de Québec avait été la cible, ce jour-là, d'une attaque terroriste qui avait coûté la vie à six personnes et blessé huit autres. Cette tragédie a été malgré elle l'occasion de mettre en exergue un problème longtemps occulté : l'absence d'un lieu de sépulture réservé à la communauté musulmane de la ville de Québec. Jusqu'alors, la province éponyme était dotée d'un cimetière musulman à Montréal, vers lequel les familles étaient orientées par le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ). Excepté ce lieu, aucune autre option n'était proposée à la communauté en cas de décès, si ce n'est le rapatriement du corps vers le pays d'origine - une démarche contraignante et fastidieuse. Pour pallier ce manque, l'Association de la sépulture musulmane du Québec (ASMQ) et le CCIQ ont redoublé d'efforts pour qu'un cimetière musulman voie le jour. Une petite victoire a d'ailleurs été célébrée dimanche 9 juillet au cimetière multiconfessionnel «Les Jardins Québec», à Saint-Augustin-de-Desmaures. Le lieu a accueilli 500 lots dans un carré dédié aux musulmans. Entreprise par l'ASMQ, l'initiative se veut un premier pas pour mettre en place d'autres sections. Deux entités et deux projets totalement différents Ceci dit, le projet se heurte à un désaccord émanant des deux entités associatives puisque le CCIQ a pour ambition, lui, d'acquérir un terrain sur un seul lieu. «L'avenir de ce projet dépendra du vote de 50 personnes résidant à Saint-Apollinaire. Cette décision sera prise à l'issue d'un référendum le 16 juillet prochain», explique à Yabiladi Mohamed Kesri, responsable du dossier sur le cimetière de Saint-Apollinaire pour le CCIQ C'est que les démarches de la mosquée de Québec pour acquérir ce terrain traînent depuis plusieurs mois. Le premier obstacle concerne son achat. Les négociations avec ces habitants, propriétaires de plusieurs terrains situés à proximité de celui convoité pour l'implantation du lieu de sépulture, se font lentes. Les pourparlers devraient prendre fin cette semaine, d'après Mohamed Kesri. «Le cimetière musulman de Québec naîtra Inch'Allah le 16 juillet 2017 à Saint-Apollinaire», espère-t-il. Or, selon l'ASMQ, cette perte de temps aurait pu être évitée. L'association a opté pour un autre choix, qui n'est pas du goût du CCIQ. «Dimanche 9 juillet dernier à Saint-Augustin a eu lieu l'inauguration d'un carré réservé aux musulmans dans un cimetière catholique», indique Mohamed Kesri. Une option dont le CCIQ n'a pas voulue, d'où un retard dans l'avancée du projet. Contactée par Yabiladi, Hadjira Belkacem, présidente de l'ASMQ, souhaitait «laisser le choix aux familles des défunts». «On ne peut pas plaire à tout le monde. Des familles se tournent vers nous, d'autres préfèrent faire appel à la mosquée. C'est ainsi.» Etre au service des familles Le dossier qu'elle a lancé en 2014 prend enfin forme, se réjouit Hadjira Belkacem. A terme, son souhait est d'obtenir «des petites sections réservées aux musulmans dans des cimetières déjà existants». «Cette option est la plus adéquate. C'est beaucoup plus facile, moins coûteux et idéal pour l'entretien. C'est aussi un moyen de dire que c'est notre pays et qu'on a le droit d'y vivre et d'y mourir.» De cette façon, l'association reste garante de ce lot même s'il est géré par les propriétaires car c'est elle qui oriente les familles vers ce lieu, qui compte désormais 500 places pour les musulmans. Un nombre «suffisant», estime Hadjira Belkacem. «Lorsque l'on parle du Québec, il faut également compter les régions avoisinantes, d'où la nécessité pour nous d'opter pour la proximité. Nous voulons plusieurs petites sections un peu partout plutôt qu'un seul grand cimetière à Québec. Nous ne voulons pas tout concentrer dans un même lieu car nous estimons qu'il faut aussi penser aux vivants et, par conséquent, à la distance qui sépare les communes pour s'y rendre.» L'ASMQ, seule association musulmane à opérer dans le secteur funéraire à Québec, notamment par plusieurs actions telles que le Fonds entraide et solidarité, réservé aux frais d'inhumation, ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. «D'autres projets verront le jour Inch'Allah, avec pour commencer un cimetière à Sherbrooke. De toute évidence, le projet a été très bien perçu par la communauté musulmane de Québec.»