Nominations de complaisance, attaques contre les institutions de gouvernance, privilèges indus : Nabil Benabdallah ouvre le feu sur Aziz Akhannouch    La France retire les dattes algériennes de ses marchés en raison de la présence de substances chimiques cancérigènes    Botola : L'AS FAR bat le Hassania d'Agadir    Funérailles à Casablanca de l'acteur feu Mohamed El Khalfi    Premier au niveau mondial : le Maroc se prépare à lancer des produits innovants à base de cannabis : chocolat, farine et café    Le Maroc envoie un message ferme aux parties libyennes alignées sur des agendas étrangers : notre position est stricte contre les projets régionaux suspects    Funérailles à Casablanca de l'acteur feu Mohamed El Khalfi    Botola : Le Raja Casablanca bat le Chabab Mohammedia    Le succès de la réunion consultative libyenne au Maroc irrite à Tripoli    Nouveau séisme de magnitude 6,1 au large du Vanuatu    La population de l'Afrique devrait atteindre en 2050 quelque 2,5 milliards d'habitants, avec un âge médian de 20 ans    Régionalisation avancée : Qui sème, récolte...    Conseil de sécurité: Blinken se félicite du partenariat avec le Maroc sur l'Intelligence artificielle    Le Maroc alloue 11 milliards de dirhams à la modernisation des bus urbains avant le Mondial    Pharma 5 : un médicament à base de cannabis pour le traitement des formes d'épilepsie rebelles    Islamophobic extremist : Unraveling the Magdeburg attacker's motives    Guercif: Franc succès de la quatrième édition des jeux nationaux des Appelés    Les Etats-Unis approuvent la vente d'armements au Maroc d'une valeur de 86 millions de dollars... Des armes de précision de dernière génération    Belle semaine pour la Bourse de Casablanca    Le Maroc : Leadership diplomatique et rayonnement international sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI    «Une démocratie solide et une bonne gouvernance pour un développement véritable»    Un chantier royal au service de l'essor du continent africain    Les enjeux du Grand Maghreb et de l'Afrique : Le Maroc entre construction et progrès... et l'Algérie prisonnière de politiques hostiles et stériles    Selon le New York Times, «le Maroc a bien saisi que le football, au-delà d'un simple jeu, constitue un levier stratégique de développement économique et diplomatique»    Conflit d'intérêt et impunité    Le Conseil fédéral suisse adopte sa nouvelle stratégie pour l'Afrique 2025-2028    Ouverture de la billetterie    Le Raja Casablanca se sépare de Sá Pinto    Basket. DEX (H)/ J9: Hier, l'ASS a dompté le WAC ! Cet après-midi, le derby de Rabat au programme    Botola D1. J15 (Acte II): Les locaux favoris ce dimanche!    Liga. J18 (Acte II) : Le Real vise les 3 points et la 1ère marche du podium    Casablanca intègre le réseau mondial C40 des villes engagées dans la lutte contre le changement climatique    Canada. Une marocaine au gouvernement de Justin Trudeau    Quatre ans après le 22 décembre 2020, quelle grande et incontournable alliance que celle établie entre Rabat, Washington et Tel-Aviv    Prévisions météorologiques pour le lundi 23 décembre 2024    Pedro Sanchez : «L'Espagne apprécie hautement les efforts de Sa Majesté le Roi en faveur de la stabilité régionale»    SM le Roi Mohammed VI reçoit Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Président de la République Islamique de Mauritanie    MAGAZINE : Nour-Eddine Saïl, un hommage en contreplongée    Musique : Les notes jazz de l'arganier    Exposition : Yamou paysagiste de l'essentiel    DGI : principaux points des mesures fiscales de la LF 2025    L'acteur marocain Mohamed El Khalfi n'est plus    Essaouira et Tétouan mutualisent leurs atouts pour un partenariat de la nouvelle génération (M. Azoulay)    En présence des banquets de kif et des rêves d'enfance    Mpox en Afrique : 69 211 cas dont 1 260 décès depuis début 2024    Barid Al-Maghrib lance une émission spéciale de timbre intitulé « Le Malhoun, patrimoine culturel immatériel de l'humanité »    Le temps qu'il fera ce samedi 21 décembre 2024    Les températures attendues ce samedi 21 décembre 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



16 mai 1930 : Le «Dahir berbère», première tentative coloniale pour diviser le peuple marocain
Publié dans Yabiladi le 16 - 05 - 2017

Le 16 mai 1930, les autorités coloniales françaises au Maroc promulguent le Dahir du 17 hija 1348, communément appelé «Dahir berbère». Un décret royal signé par le sultan Mohammed ben Youssef, le futur roi Mohammed V, qui s'intéresse au fonctionnement de la justice dans les tribus de coutume amazighe. C'est aussi le tout premier catalyseur et l'une des étapes centrales du nationalisme marocain. Histoire.
Au lendemain de la signature du Traité de Fès, la France coloniale procède à l'instauration d'une politique de ségrégation raciale entre Amazighs et Arabes suite à plusieurs études menées sur les Amazighs. Après avoir instauré des écoles franco-berbères puis resserré l'étau sur les écoles coraniques, la résidence générale promulgue le «Dahir berbère» le 16 mai 1930 (17 hija 1348).
La France voit là un moyen de préserver l'autonomie traditionnelle des Amazighs, essentiellement dans le domaine juridique. En fait, c'est la goutte qui fait déborder le vase, la ségrégation raciale dans la société marocaine ayant commencé dès les premiers mois du protectorat français. Concocté par la résidence générale pendant plusieurs années et promulgué sous le mandat de Lucien Saint, le Dahir est officiellement publié en 1930 avant d'être retiré par les autorités coloniales en 1934.
«Diviser pour mieux régner»
Nous sommes en 1912. Quelques mois seulement après la nomination d'Hubert Lyautey en tant que nouveau commissaire résident général du protectorat français au Maroc, la campagne de pacification des tribus marocaines est lancée simultanément dans plusieurs régions du Maroc. Les premiers affrontements permettent alors aux autorités coloniales d'affiner leurs techniques, et surtout leur approche. Une correspondance de Lyautey datant du 13 juillet 1913, cité dans le tome 5 des «Mémoires du patrimoine marocain» (Editions Nord Organisation, 1986), conforte cette thèse. Le résident général y exhorte en effet ses collaborateurs à «établir des recherches permettant de déterminer une stratégie et une manière d'approcher ces habitants». C'est ainsi que les recherches sont lancées.
Dans un des rapports établis par le général Paul Henrys, ce dernier réaffirme aussi «la nécessité d'étudier les Amazighs afin de préserver leurs coutumes et de les approcher des autorités françaises». La France prévoyait d'instaurer une séparation entre Arabes et Amazighs dans la société marocaine, faisant sienne l'adage «diviser pour mieux régner».
En janvier 1915, un Comité d'études berbères voit le jour sous la présidence d'Henri Gaillard, alors secrétaire général du gouvernement chérifien et de Loth Biarnay, chef du service de l'Enseignement, lit-on dans un document de la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM). Le texte est un résumé de plusieurs études de la société «berbère» marocaine, qui examine les modes de vie, les habitations et la place de la femme amazighe jusqu'aux chants et coutumes juridiques.
Un élève et un professeur dans une école berbère à Azrou. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»
Instauration des écoles franco-berbères
Sur la base des travaux de plusieurs commissions dont le Comité d'études berbères, le Maroc est divisé en six grandes parties. Parallèlement, les études menées par les autorités coloniales révèlent que seulement moins de 15% des tribus sont d'origine arabe, qu'environ 40% des tribus amazighes ont été «arabisées» et qu'environ 45% des tribus sont berbères. De quoi asseoir toute une politique de ségrégation raciale sur les Marocains.
Tout d'abord, les autorités coloniales instaurent dès 1923 des «écoles franco-berbères», un outil de propagande qui doit servir la nouvelle politique coloniale pour maintenir la séparation et renforcer les différences linguistiques, religieuses et sociales dans les rangs du peuple. En 1923 donc, les toutes premières écoles ouvrent leurs portes, notamment à Icheqren (près de Khénifra) et Zayan. En 1930, soit l'année de promulgation du Dahir berbère, la France dispose déjà de 30 écoles franco-berbères dans le royaume.
En marge de la création de ces établissements, l'étau se resserre sur les écoles corniques. A long terme, le protectorat ambitionnait également d'entamer une large campagne d'évangélisation dans le Grand Maghreb. En 1931, le journal français L'Humanité rapporte, selon les «Mémoires du patrimoine marocain» (tome 5), «la conversation au christianisme de 1 000 personnes en Algérie, l'inauguration d'églises au Maroc et la traduction du Nouveau Testament en berbère». Une année plus tard, une «Commission d'étude de la réglementation de la justice berbère» livre ses premiers résultats :
«Il n'y a aucun inconvénient à rompre l'uniformité de l'organisation judiciaire de la zone française ; dès lors qu'il s'agit de renforcer l'élément berbère, en vue du rôle de contrepoids qu'il peut être appelé à jouer, il y a même un avantage certain, du point de vue politique, à briser le miroir.»
Ceci dit, la scission de la société marocaine - un Maroc où est appliquée la «justice coutumière berbère» et un autre où c'est la législation islamique qui prévaut - ne date pas de 1930. Le 11 septembre 1914 déjà, un Dahir signé par Lyautey avait pour but d'adapter la «justice berbère» aux conditions propres de l'époque.
Les étudiants d'une école berbère au Maroc. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»
Ce n'est qu'en 1923 que les autorités coloniales décident d'accélérer leur politique. «La réalisation d'un tel plan avait commencé en 1923. On avait demandé à Louis Massignon de superviser l'installation de ces écoles. Mais les résultats ne furent pas à la hauteur de ces ambitions : en 1930, 20 écoles avaient été créées mais ne scolarisaient que 700 élèves», explique l'historien Gilles Lafuente dans un article intitulé «Dahir berbère», publié dans l'Encyclopédie berbère (Edisud, 1994). Les Marocains, exacerbés par cette atteinte à la société et cette «croisade» menée contre l'islam, n'attendent qu'un élément déclencheur de la colère : la promulgation du «Dahir berbère».
La récitation du «Latif» pour préserver l'unité du peuple
Signé par le sultan Mohammed ben Youssef, alors âgé de 20 ans à peine, fraîchement propulsé à la tête du pays, le Dahir provoque la grogne des Marocains. La toute première manifestation populaire commence en juin 1930. A l'origine de la mobilisation, Abdellatif Sbihi, leader des «Jeunes Marocains de Salé» et ex-traducteur dans l'administration commença le décryptage du Dahir pour les jeunes marocains au collège Moulay Youssef à Rabat, rapporte Gilles Lafuente. A partir du 20 juin 1930, les Marocains entament quotidiennement la récitation du «Latif» dans les mosquées du royaume. Un prêche demandant au «Tout Miséricordieux» d'éviter toute division entre Arabes et Amazighs. Gilles Lafuente rapporte aussi :
«Le 6 octobre (de la même année, ndlr) une circulaire du Résident Général donnait des instructions très nettes concernant le prosélytisme fort peu discret des missionnaires chrétiens. Bien qu'elles fissent la sourde oreille devant les protestations qui émanaient de tout le monde arabe, les autorités du Protectorat ne pouvaient cacher leur embarras et leur impuissance à arrêter cette campagne.»
Un dahir datant du 8 avril 1934 abroge celui du 16 mai 1930 et uniformise les juridictions des Pachas et des Caïds. Il accorde aussi au Haut Tribunal Chérifien toute compétence pour juger des crimes commis en pays de coutume. Mais ce que les autorités coloniales ne savent pas encore, c'est que «le Dahir berbère» constituera le tout premier catalyseur et l'une des étapes centrales du nationalisme marocain.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.