Revue de presse de ce samedi 25 octobre 2025    Coupe du monde féminine U17 : La sélection nationale progresse au fil des matchs    Fatwa sur la Zakat: Le texte mis en ligne    Fonction publique: Près de 69.000 départs à la retraite prévus entre 2025 et 2029    Transport urbain: 1.000 nouveaux bus bientôt en circulation    Maroc Telecom : Un RNPG de plus de 5,52 MMDH à fin septembre 2025    Marsa Maroc et CMA Terminals concluent un accord stratégique pour le terminal ouest de Nador West Med, voué à devenir opérationnel à partir de 2027    La délégation de l'USFP en France conteste la légitimité des organes issus du onzième congrès national    Amir Richardson dans le viseur d'un club de la Liga    Accès aux soins : Mise en service de 49 nouveaux centres de santé dans 9 régions    Le Conseil supérieur des oulémas publie la fatwa sur la zakat après l'approbation royale    Médiateur du Royaume: L'accès à la plateforme MARFI9I ouvert aux usagers du «Pass Jeunes»    Guterres enjoint au polisario de mettre fin à ses violations du cessez-le-feu    Le polisario dénonce le projet US sur le Sahara et menace de se retirer du processus politique    Mondial U17 féminin : le Maroc bat le Costa Rica et accède aux 8ès    CAF Awards : le Maroc prépare une razzia    Domaine privé de l'Etat : 148 projets approuvés pour une superficie globale de 20.771 Ha au S1-2025    Maroc : la production nationale d'électricité progresse de 5,3% à fin août 2025    Province de Benslimane : l'INDH, moteur d'émancipation pour les femmes rurales    Energie : le pétrole bondit après les sanctions américaines sur deux groupes pétroliers russes    Académie des Arts : la Fondation Al Mada donne un nouvel élan à la jeunesse créative    Limogeage de la directrice régionale de la Santé de Rabat-Salé-Kénitra (Source ministérielle)    Libre circulation entre le Sénégal et le Kenya    Le Zimbabwe fait face à une montée inquiétante du crime    « Croissance » : un voyage gospel entre ciel et terre    Tiflet accueille le Festival "NAFAS", un espace de dialogue et de créativité pour la jeunesse    Manifestations GenZ au Maroc : 2 068 détenus et 330 mineurs devant la justice, selon l'AMDH    El Jadida court sentences teen to two years for sexually assaulting minor    Presse : Des appels à réviser le projet de loi sur le CNP «sans délai»    Football : 50 ONG appellent Fouzi Lekjaa à intégrer l'amazigh    Téhéran étend méthodiquement son influence politique, économique et religieuse en Tunisie pour garantir un ancrage en Afrique du Nord alerte un rapport israélien    Maroc Telecom affiche une hausse de 1,2 % de ses revenus et accélère ses investissements pour le déploiement de la 5G    Hakim Ziyech rejoint officiellement le Wydad de Casablanca après son passage au Qatar    "Il a choisi l'Espagne, mais il reste des nôtres" : le message de Bounou à Lamine Yamal    Sahara : le consensus autour du plan d'autonomie continue de se conforter    Le Maroc, "pays à l'honneur" du prochain EFM de Berlin    Bounou praises Lamine Yamal, says he still feels «like one of Morocco's own»    «The wizard is here» : Wydad announces Hakim Ziyech's homecoming    Jeux de la Solidarité Islamique : le Maroc hérite d'un groupe relevé en futsal    Driss El Hilali elected vice president of World Taekwondo Federation in Wuxi    France : Le Maroc s'invite à l'Olympia pour les 50 ans de la Marche verte    Un documentaire néerlandais suit un étudiant marocain bloqué après avoir fui l'Ukraine    Mohammed VI exprime ses condoléances à la famille d'Abdelkader Moutaa    Météorologie : Le Maroc et la Finlande signent à Genève un mémorandum d'entente    Rubio affirme que les projets d'annexion d'Israël en Cisjordanie "menacent" la trêve à Gaza    Un rabbin orthodoxe avertit que l'élection de Mamdani pourrait mettre en danger les Juifs de New York    Présidentielle en Côte d'Ivoire. L'UA et la CEDEAO à l'écoute des urnes    Taïwan : Pékin célèbre 80 ans de retour à la mère patrie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les voyages d'Ibn Battuta : Info ou intox ?
Publié dans Yabiladi le 10 - 03 - 2011

Le début du 14ème siècle a vu deux grands voyageurs entrer dans l'histoire mondiale : Marco Polo et le natif de Tanger, Ibn Battuta. Les récits de voyages de ce dernier font encore rêver, 650 ans après sa disparition. Mais leur authenticité a récemment été mise en question par l'historien allemand Ralf Elger. Dans une nouvelle traduction commentée des récits de Ibn Battuta, il met en exergue des incohérences et des indices qui feraient du grand voyageur un grand...usurpateur qui voulait bien se faire voir auprès du Sultan de Fès.
Ce n'est pas sans raison que le Marocain Ibn Battuta, jusqu'à ce jour, impose le respect. Les récits de ses voyages emmènent le lecteur dans les recoins les plus éloignés du monde musulman du 14ème siècle, et même au delà. Le raffinement de la civilisation islamique qu'il décrit, peut en faire rêver plus d'un et fait des voyages d'Ibn Battuta une référence dans le monde arabe, un symbole de l'apogée de la civilisation musulmane.
Mais une nouvelle traduction commentée de ce récit de voyage interprète l'œuvre comme étant guidée par un intérêt personnel prononcé. Les récits auraient eu pour objectif de rendre Ibn Battuta intéressant auprès de la cour du Sultan de Fès de l'époque. Dans «Die Wunder des Morgenlandes» (Les miracles de l'Orient), l'historien allemand Ralf Elger va cependant plus loin, en remettant en question la véracité d'une partie de l'ouvrage. Lewis Gropp a décrypté l'œuvre pour le site allemand qantara.de.
Voyages à travers tout le monde arabe
Les voyages d'Ibn Battuta, né en 1302 à Tanger, commencent avec un pèlerinage à la Mecque, entamé en 1325, mais ne s'arrêtent pas là. Lors de quatre voyages sur une période de 29 ans, il parcourt la Mésopotamie, s'engage (comme son illustre prédécesseur Marco Polo) sur la Route de la soie pour arriver jusqu'en Chine, et ensuite à Sumatra, en Indonésie. Il découvre les côtes est-africaines, se rendra au Royaume du Mali, au sultanat de Delphes, à Constantinople...
Et il aurait gagné l'estime des populations musulmanes qu'il a visitées. Ibn Battuta exerce plusieurs fois au cours de ses voyages les fonctions de cadi. Il déclare notamment avoir eu cette fonction aux Maldives – un archipel ou l'islam a toujours été la religion officielle. Dans ses récits, il explique sa démarche :
«Les habitants des îles sont pieux, vertueux et pacifiques. Ils ne mangent que de la nourriture halal et leurs prières sont entendues. Leurs corps sont faibles. Ils n'ont pas l'esprit guerrier, leurs armes sont les prières. Quand j'étais cadi, j'ai donné l'ordre de couper la main d'un voleur. Quelques unes des personnes présentes à la cour se sont alors évanouies», écrit Ibn Battuta.
Un invité condescendant ?
Dans ses récits, Ibn Battuta met beaucoup l'accent sur les rencontres avec les dirigeants des pays visités. Tous reçoivent le voyageur avec beaucoup de respect. Là, Ibn Battuta est toujours un invité honoré de précieux cadeaux par chaque sultan et émir qu'il rencontre : des pièces d'or, des trésors, des chevaux, des esclaves, des femmes. Des cadeaux qu'il valait bien, estime-t-il de manière laconique et parfois prétentieuse dans ses récits.
Ses remarques sur les cadeaux reçus par un régent d'Afrique de l'Ouest sont cependant clairement méprisantes. Il se moque du Sultan du Mali, un «grand avare». Quand un messager annonce qu'il doit recevoir un cadeau, Battuta suppose qu'il doit s'agir soit de vêtements, de chevaux ou d'argent. Selon ses propres dires, il sera déçu par la suite :
«Ce n'était rien de plus que trois pains, un morceau de viande et une citrouille évidée, remplie de lait caillé. Je ne pouvais que rire à la bêtise de ce peuple et m'amuser à la pensée que ces cadeaux médiocres représentaient une grande valeur pour eux.»
Un jugement condescendant, mais qui s'inscrit dans une logique claire, selon Ralf Elger. L'historien s'est posé la question de savoir pourquoi Ibn Battuta donnait tant de détails sur les cadeaux que lui auraient offerts ces émirs, sultans et souverains d'autres pays.
Des constructions opportunistes
«Si vous comprenez le récit de Battuta comme une demande implicite de cadeaux somptueux, alors beaucoup de passages sont très faciles à expliquer», selon Elger. «Le lecteur a dû être étonné de constater comment il a pu être possible pour un voyageur inconnu du Maroc d'avoir accès aux grands dirigeants du monde et d'avoir été considéré comme un de leurs pairs. L'explication est probablement que ces contacts ont été inventés dans le but de se recommander lui-même auprès du Sultan de Fès
Ses descriptions de sa fonction de cadi apparaissent ainsi sous une autre lumière. Mais Ralf Elger va plus loin. Les récits ne seraient pas seulement intéressés, mais également en partie faux...
Le grand Ibn Battuta – un adepte du plagiat ?
Dans l'épilogue de sa traduction des récits, le spécialiste de l'histoire du monde arabe estime ainsi qu'une bonne partie des récits d'Ibn Battuta ne sont pas crédibles. Selon lui, il y a de nombreuses indications prouvant qu'Ibn Battuta ne s'est pas basé sur ses propres observations. Ainsi, il a fait des descriptions de régents qu'il dit avoir rencontrés, mais qui ont incontestablement vécu avant ou après sa vie. Il y a aussi des incohérences dans les détails géographiques. Avant Elger, le Tchèque Ivan Hrbek avait constaté qu'Ibn Battuta n'a pas pu suivre certains itinéraires dans les temps indiqués et parfois le parcours lui-même est faux. Enfin les dates ne concordent pas toujours avec des événements cités par le voyageur.
Mais le plus remarquable est la ressemblance frappante avec de nombreux textes de son temps, spécialement avec le récit d'un pèlerinage écrit par un certain Ahmad Ibn Jubayr. Ralf Elger soupçonne Ibn Battuta de plagiat. Des pages entières ont soit été légèrement retravaillées ou carrément copiées mot à mot: «Beaucoup de récits d'Ibn Battuta ne nous fournissent pas du tout les impressions authentiques de voyage, mais nous confrontent plutôt avec son talent pour le plagiat», affirme Elger.
Déjà Ibn Khaldun doutait de la véracité des récits du voyageur
Bien que, jusqu'à ce jour, Ibn Battuta soit toujours considéré par beaucoup comme un grand explorateur et voyageur, des doutes sur l'authenticité de ses récits avaient déjà été émis de son vivant. Le grand historien arabe Ibn Khaldun rapportait par exemple que plusieurs personnes à la cour de Fès ne croyaient pas à la véracité des récits d'Ibn Battuta.
Cependant, aujourd'hui, les critiques de l'œuvre d'Ibn Battuta restent très rares. Pour Ralf Elger, les récits d'Ibn Battuta seraient un symbole trop important de la portée du patrimoine culturel islamique pour qu'il soit aisément critiqué. Chose qu'il déplore profondément. Avec «Miracles de l'Orient», il tente de donner un nouvel élan à la discussion critique des récits d'un des Marocains les plus connus à travers le monde et les générations.
Article précédemment publié dans le numéro 4 de Yabiladi Mag (février 2011), page 58


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.