Une édition critique de la Muqaddima dIbn Khaldûn a été présentée par le professeur Abdesselam Cheddadi. Cet ouvrage, édité par la maison des Arts, des sciences et des lettres, achève le parcours dun grand spécialiste marocain de la pensée philosophique et historique dIbn Khaldûn. Connu surtout dans le milieu universitaire, Abdesselam Cheddadi est lun des rares professeurs marocains à consacrer leur carrière à la pensée khaldounienne. Auteur d «Ibn Khaldûn revisité» au milieu des années 90, cet universitaire sest intéressé plutôt aux diverses éditions, et surtout auxx traductions de louvrage monumental dAbderrahmane Ibn Khaldûn. Il faut remarquer que depuis sa découverte par les orientalistes au 19ème siècle, cest le baron De Slane qui a eu le premier lidée de traduire la réflexion menée par lhistorien maghrébin. «Les prolégomènes » était le premier titre traduit de la muqaddima. Depuis ce temps, une seule traduction a pu retenir lattention des chercheurs francophones. Cest celle de Vincent Monteil qui a été le plus près de lesprit de louvrage. Un autre point à souligner concerne lapproche du texte dIbn Khaldûn. Cette dernière reste très mal aiséesurtout pour les non arabophones à cause de la langue utilisée par lhistorien. Souvent, les étudiants-chercheurs délaissaient cet illustre penseur pour ne pas subir cet exercice difficile de lire «directement» les chapitres de la Muqaddima. Partant dune vision pessimiste sur lHistoire, Ibn Khaldûn a incarné limage des encyclopédistes arabes qui ont vécu les premiers moments de ce qui a été appelé par la suite «lâge de la décadence». Les jugements dIbn Khaldûn sur la naissance, le développement et le dépérissement des Etats sont restés célèbres grâce à la loi implacable dont il a été linitiateur : la théorie des cycles. Beaucoup dorientalistes, tels Hamilton Gibb ou Franz Rosenthal, ont essayé de minimiser lempreinte fortement «moderne» dans la pensée dIbn Khaldûn, en le cantonnant dans le rôle dun simple chroniqueur parmi les nombreux autres du monde musulman. Lidée des détracteurs, auteurs de ce point de vue simpliste, a été de démontrer ensuite quIbn Khaldûn a été le premier initiateur de la science historique au 14ème siècle. Alors que lOccident a dû attendre Ernest Renanou Von Ranke au 19ème siècle pour découvrir la science de lHistoire. Ceci démontre quIbn Khaldûn a été au cur dun débat très passionné sur lapport de la philosophie arabe à la pensée mondiale. Il reste à souligner que le travail réalisé par A. Cheddadi sadresse dabord au grand public avec une édition de la Muqaddima en 3 volumes, et une autre édition dédiée exclusivement aux bibliothécaires, universitaires, maisons de lecture et centres de recherche. Lannonce de lachèvement de ce travail a été faite au sein de lEspace de la CDG.