De quel racisme sont victimes les femmes musulmanes en France? D'islamophobie? De sexisme? De misogynie? Peut-être des 3 en même temps? La question reste entière et les chiffres à eux seuls ne suffisent pas à mesurer avec exactitude la réalité. Les femmes musulmanes sont les premières victimes des actes islamophobes en France, qu'ils soient violents ou pas. Avec le débat sur le voile, elles sont aussi plus sujettes à des actes basés sur le sexe. Détails Les femmes musulmanes en France sont-elles victimes d'un racisme à la croisée de l'islamophobie et de la misogynie ? Difficile de donner une réponse tranchée pour l'un ou l'autre et même pour une intersectionnalité, un mélange de discriminations de plusieurs natures à l'encontre des femmes musulmanes comme le décortique Slate. «La typologie des faits infractionnels met en lumière un phénomène particulièrement préoccupant, celui d'une recrudescence des agressions à l'encontre des femmes, et particulièrement de celles portant le voile» écrit la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) commentant alors en avril 2014 la montée des violences islamophobes à l'encontre des femmes. Selon le même rapport, sur 17 actions violentes contre les musulmans, 14 sont commises sur des femmes musulmanes de surcroit voilées. Une réalité illustrée par un autre chiffre du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Selon cet organisme, 81% des victimes d'agressions contre les musulmanes sont des femmes voilées. Mais d'après Abdallah Ben Zekri, vice-président du CCIF et de l'Observatoire de l'islamophobie, sous ces chiffres ne se cachent pas une misogynie mais bien le fait que les femmes voilées représentent les signes les plus visibles chez les musulmans. «La femme musulmane qui porte le voile se fait agresser, la femme musulmane sans voile ne se fait pas agresser. C'est un attribut uniquement religieux qui est visé. Les agressions sont des agressions cela n'a rien à voir avec le sexisme» tente-t-il d'expliquer non sans souligner qu'il est plus facile pour les agresseurs de s'en prendre aux femmes qu'aux hommes, les mêmes agresseurs considérant les femmes comme plus vulnérables. Une explication à laquelle n'adhère pas Christine Delphy, chercheuse au CNRS. Elle explique qu'«il s'agit bien sûr d'actes misogynes. Les agresseurs expriment le sentiment qu'ils peuvent imposer aux femmes ce qu'ils veulent. On continue de décréter ce que les femmes doivent pouvoir porter. C'est évidemment une mainmise sur la liberté des femmes». Le débat sur le voile exacerbe le racisme basé sur le sexe Avec le débat sur le voile remis au goût du jour dans tous les espaces (école, lieu de travail, …), les femmes musulmanes se retrouvent en première ligne du groupe le plus visible représentant les musulmans. Ce qui ne manque pas de jeter la lumière sur un autre forme de discrimination cette fois-ci d'ordre sexiste. Pour illustrer ce constat, le CCIF rappelle qu'en 2014, 68% des agressions de femmes voilées sont commises par des hommes. Ce chiffre serait de 13 sur 19 agressions commises sur des femmes voilées par des hommes. Même si le phénomène s'amenuise, en 2015, le constat est toujours là. Sur 15 agressions contres des femmes voilées, 11 sont commises par des hommes. Et le CCIF de rappeler que les agressions s'accompagnent souvent d'insultes à connotation sexuel, d'arrachage de vêtements et même parfois d'attouchements. «[…] l'idée que les femmes rendent inaccessible leur corps au regard contredit la construction dominante de la féminité selon laquelle les femmes doivent se rendre disponibles», explique une chercheuse du centre Maurice-Halbwachs. Il s'en suit une construction de discours tendant à stigmatiser le voile et celles qui l'ont adopté. «On est bien face à un cumul de sexisme et de racisme car cette guerre déclarée au voile agresse directement les libertés des femmes musulmanes et non celles des hommes musulmans. Toutes les mesures législatives qui depuis 2004 visent l'Islam en France, visent uniquement les femmes musulmanes. Sexisme et racisme sont donc les deux fléaux qui dévastent main dans la main les Droits humains, c'est donc à eux, grâce à un féminisme renouvelé, que la société française doit déclarer la guerre» plaidait une tribune de la politologue Virginie Martin. Sous les chiffres des différents organismes tendant à dénoncer une islamophobie dont la manifestation violente cible essentiellement les femmes se cacherait en réalité un racisme misogyne du fait que les femmes rendent inaccessible ce que les hommes considèrent comme acquis. Mais les agressions contre les femmes musulmanes voilées dissimuleraient aussi un caractère sexiste en tentant d'enlever aux femmes les attributs du voile. Au-delà de tous ces discriminations qui s'imbriquent et se rejettent, l'intersectionnalité serait peut être le mot le plus approprié pour décrire le racisme dont les femmes musulmanes sont victimes en France.