En 25 années de suivi des actions publiques, de couverture et d'accompagnement médiatique des Marocains du monde à travers des radios, télévisions ou presse, jamais un discours royal n'a visé avec autant de précisions et de détermination les dysfonctionnements alarmants et les carences criantes d'un ministère. Perçues comme une franche «révolution du Roi et des Marocains du Monde», l'allocution de Sa Majesté le Roi Mohammed VI venait, à temps, apaiser les frustrations et les mécontentements d'une diaspora déçue qui exprime de plus en plus un sentiment de désespoir et d'abandon sans précédant. Les instructions royales données au ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, lors du discours du Trône, pourtant généralement consacré au bilan des réalisations d'une année de gouvernance, déterminent les hautes priorités à venir de Salahedine Mezouar. Ces directives fermes, prononcées devant toute la Nation, sonnent comme un «je vous ai compris», pointent, clairement, les responsabilités d'un ministre, et à travers lui, son secrétaire général, le vrai homme fort du ministère ainsi que son directoire, particulièrement la direction des affaires consulaires. Ce département accumule, depuis de longues années, des erreurs de gestion du personnel, l'absence de prospective, d'évaluation ou d'innovations, sans oublier des abus dans les nominations des consuls, contestées, d'ailleurs, par de nombreux cadres de la diplomatie marocaine. Les approximations et improvisations de Mezouar Depuis le discours du 30 juillet, le ministre s'est trouvé partagé entre deux urgences : l'une royale et indiscutable, qui requiert une réforme en profondeur de la DACS, avec en priorité, le départ des personnes qui ont conduit à cet échec, l'autre électorale et pressante qui sonne le glas pour un ministre RNI affaibli à quelques jours des régionales du 4 septembres 2015, voire d'un remaniement gouvernemental. Mais Salahedine Mezouar, ne semblant pas avoir le courage de Saadedine Othmani, qui avait commencé à «dégraisser» le bouclier désuet installé par ses prédécesseurs, nous annoncera très vite la couleur, notamment, par des approximations de son service de communication. Objectif sans doute : limiter les pertes en improvisant une batterie de mesures d'urgence qui ne pourront duper ni le roi ni le peuple, et encore moins, les 6 millions de MRE en attente. Que d'annonces sans effets A défaut de vision stratégique claire, le ministre et ses conseillers optent pour des effets d'annonces qui trahissent une méconnaissance de ses propres dispositifs, traduisant surtout la volonté d'apaiser la grogne des Marocains du monde très perceptible notamment sur les réseaux sociaux que celle de répondre aux directives royales et aux revendications des ressortissants qui «se plaignent également d'une série de problèmes dans leurs relations avec les missions consulaires marocaines à l'étranger», selon l'expression du Souverain. Ainsi la DACS s'empressa-t-elle d'envoyer une circulaire qui prolonge jusqu'à 6 mois la validité des actes de naissances : cette direction ignorait-elle que la dite circulaire annulait une autre en vigueur, plus généreuse, puisqu'elle fixait la validité à un an ? Autre annonce sans effets, une circulaire qui propose de «libéraliser un peu plus» le choix des prénoms pour les progénitures des MRE sans tenir compte du fait que la grande majorité des 54 consulats facilitait déjà cette démarche qui frustrait beaucoup de parents. Et puis il y a la plate-forme téléphonique avec l'instauration d'une "Ligne verte" internationale pour accueillir les réclamations des Marocains du monde. S'il est un peu tôt pour évaluer son efficacité, on peut déjà s'interroger sur l'utilité d'un dispositif qui ne serait pas suivi de réponses aux doléances par des mesures concrètes et efficaces. Comment ce dispositif fonctionne-t-il réellement ? Comment peut on prétendre honorer les promesses faites aux MRE sous 48h ? Mais où est le centre d'appel promis, en novembre 2014, par M. Mezouar ? Où est passée la refonte des standards adaptés dans les consulats ? De toute évidence, la mise en place du numéro vert et la surexploitation médiatique qui l'a accompagnée révèle, au grand jour, une conception perverse de la responsabilité et une incapacité du ministère à offrir un service administratif de qualité se défaussant ainsi sur son personnel tout en prenant à témoin les MRE. Un escalier ne se balaie jamais par le bas Mezouar se précipite pour jeter en pâture les consuls et les cadres consulaires afin de mieux dégager sa responsabilité et celle de son influent secrétaire général qui préside la commission et propose les consuls dont certains, «au lieu de remplir leur mission comme il se doit, se préoccupent plutôt de leurs affaires personnelles ou de politique» constate le Souverain. Pourtant, le ministre a validé les propositions de cette commission qui présentait certains profils aux passifs lourds et discutables ou propulsait à la fonction de consul des personnes sans mérite. Sa Majesté le Roi a indiqué, explicitement, la nécessité d'une purge au sein du corps consulaire afin de «relever de ses fonctions quiconque a été reconnu coupable de négligence, de dédain pour les intérêts des membres de la communauté, ou de mauvais traitement à leur égard». Le ministre et le directoire de son secrétaire général portent l'entière responsabilité du choix car les plaintes sur les exactions parvenues au Souverain sont d'abord adressées au Ministère. Sans qu'aucun responsable de poste ne soit inquiété. L'épuration devrait commencer par les vrais responsables de ce drame qui affecte la légitimité de l'Etat et le lien des MRE avec leur administration. S'imposent également une réforme de la DACS qui souffre d'une multiplication et juxtaposition de divisions entraînant une dilution des responsabilités en plus d'une refonte totale de l'organigramme pour dépasser le clientélisme et le copinage qui sanctionne souvent les compétences. C'est un vœux que j'exprime depuis 2009. Question de légitimité de l'Etat La communauté marocaine est en attente de réponses efficientes qui rompent définitivement avec les comportements indignes de certains consuls, vices consuls ou agents locaux. Ils attendent, comme le Roi Mohammed VI, des «consuls parmi ceux qui remplissent les conditions requises de compétence, de responsabilité et de dévouement». Elle saura sans doute différencier entre des cadres sanctionnés à juste titre et ceux qui sont en fin de mission ou victimes de simples règlements de comptes afin de libérer des postes. Comment les Marocains du monde réagiront-ils à l'envoie, de 40 jeunes cadres ne comptant aucun MRE ? Comment peuvent ils espérer une amélioration de la qualité des services et de l'information administrative d'un personnel ayant suivi une formation très courte, insuffisante et inadaptée ? Que pensent-ils de l'obsession jeunistes du ministre qui souhaiterait recruter des consuls de moins de 35 ans ? Combien de consuls «jeunes» ont été de grandes déceptions ces dernières années ? Depuis l'implication directe du Chef suprême de l'Etat, qui a répondu aux revendications légitimes des MDM, le ministre sommé de réagir efficacement, se devait d'éviter ces semblants de solutions distillées à doses homéopathiques et opter pour une évaluation objective des dispositifs en cours afin de moderniser l'action de la DACS et des consulats. La légitimation de l'Etat et de sa politique publique ainsi que l'instauration d'un climat de confiance entre administration et administrés résidents à l'étranger en dépendent fortement. Une politique publique en concertation avec les MRE Le Souverain insiste dans son discours «Nous réitérons Notre appel pour élaborer une stratégie intégrée, fondée sur la synergie et la coordination entre les institutions nationales ayant compétence en matière de migration». Je réitère aussi ma proposition d'un pacte national pour la diaspora qui impliquerait tous les intervenants et préconise des assises générales voire une conférence de consensus avec des experts reconnus sans exclure la société civile des Marocains d'ailleurs toutes générations confondues. Cette démarche permettra d'analyser et diagnostiquer le contexte actuel, de proposer des stratégies et des leviers d'actions et d'effectuer des recommandations motivées d'orientations pouvant dégager une stratégie publique globale. Et toute politique d'intérêt général a besoin d'instances pour la mettre en œuvre et la suivre. Seule une institution consulaire réformée et outillée et des consuls formés pourront améliorer la qualité des prestations administratives, orienter l'investissement, accompagner la société civile, dynamiser l'offre culturelle et cultuelle...