Le ministère de l'Economie et des Finances publie tous les ans un rapport sur les politiques publiques de promotion des droits des femmes et de l'égalité homme/femme. Coup de projecteur sur l'(anti-)sexisme politique dans le contexte du gouvernement Benkirane. Passé inaperçu cette année, comme les précédentes, le «rapport sur le budget genre» publié par le ministère marocain de l'Economie et des Finances en même temps que le projet de loi de Finances 2014, fait l'inventaire des politique publiques sensibles à la question du genre. Il analyse les politiques des 30 départements gouvernementaux et évalue le niveau de réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et environnementaux des femmes. Cette année, le pays a connu plusieurs améliorations du cadre législatif et règlementaire. En janvier, le gouvernement a amendé l'article 475 du code pénal suite à l'affaire Amina Filali. En septembre 2013, il a adopté le projet de décret n° 2-13-533 relatif au Fonds de soutien à l'encouragement de la représentation des femmes. Plusieurs discussions et consultations ont été également organisées pour définir la future Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les Formes de Discrimination instituée par la Constitution de 2011 et qui devrait être créée dans les prochains mois. Enfin, 5 femmes ont rejoint le deuxième gouvernement Benkirane. Centre d'Excellence du Budget Sensible au Genre Ce rapport renseigne également, depuis 2002, ministère par ministère, des politiques publiques qui amélioreront la condition des femmes. En février, le ministre de l'Economie et des Finances a créé le Centre d'Excellence du Budget Sensible au Genre (CEBSG) pour capitaliser cette expérience. Cependant, «il s'agit d'un rapport essentiellement informatif. Il est difficile de dire s'il y a eu des améliorations notables cette année sur la base de ce rapport, regrette Hanane Et Majidi, doctorante en genre à l'université internationale de Casablanca. La condition féminine a été quasiment absente de la politique du gouvernement Benkirane, même si Bassima Hakkaoui [ministre de la Femme, ndlr] a tenté de rectifier le tir récemment.» De très fortes tensions ont entouré l'examen du projet de loi 103.13 sur la violence contre les femmes, le 7 novembre. La fronde menée par les associations de défense des droits des femmes a obtenu l'ajournement du projet de loi pour complément d'informations. Samedi 14 décembre, encore, une marche a été organisée, à Rabat, par la Coalition Printemps de la dignité pour dénoncer ce projet de loi. Fronde anti-Hakkaoui Islamiste par son appartenance au PJD, Bassima Hakkaoui inspire beaucoup d'animosité aux associations féministes depuis son accession au poste de ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement Social. Sa position au sein du gouvernement est problématique depuis l'origine. «En 2011, lors de la formation du gouvernement, les circonstances étaient telles, les enjeux si forts que la présence de femmes au gouvernement n'était clairement pas la priorité. La parité n'est une préoccupation que lorsque l'on a réglé tous les autres problèmes posés par la composition du gouvernement», explique Hanane El Majidi. Sa présence au portefeuille de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social est aussi très emblématique des «mesures prises en faveur des femmes qui, pour améliorer leurs conditions de vie, les renvoient implicitement à la condition domestique, note la chercheuse. Par exemple, une femme fonctionnaire médecin ou infirmière, qui a des enfants aura le droit de faire moins de gardes qu'une autre qui n'en aura pas.» Les ministères "féminins" La proportion de femmes dans les ministères est à ce titre très représentatif de ce qui se passe plus largement dans la société. Les ministères qui ont entre 40 et 55% de femmes se rapportent plus à des domaines relevant de la sphère traditionnelle des femmes que les autres ministères. Les ministères de la Santé et de la Femme sont, par exemple, les deux seuls ministères à dépasser 50% de femmes, selon le rapport. «Etablir un budget sensible au genre révèle une volonté, bien sûr de mettre la préoccupation pour la condition féminine au cœur du centre de décision, mais cela ne suffit pas. Il faut changer les mentalités, essayer de déconstruire le modèle patriarcal. Aujourd'hui les ministères et l'administration font partie de ce système patriarcal», estime Hanane El Majidi.