La condamnation, mardi par le tribunal de première instance de Taounate, d'un jeune pour avoir embrassé la foi chrétienne a remis en selle le débat sur la liberté de conscience, éclipsé de l'actualité voilà plus de deux ans. Si les laïcs nationaux ne se sont pas mobilisés pour défendre l'habitant de Aïn Aïcha, les chiites marocains ont saisi cette occasion pour plaider le respect de ce principe et demander l'abrogation de l'article 220 du code pénal. Les chiites marocains se solidarisent avec le jeune de Taounate, condamné à trente mois de prison, pour être converti au christianisme. Mieux encore, ils défendent le droit à la liberté de conscience. Une position exprimée, d'ailleurs, sur le site de La ligne Rissali. Les rivaux des sunnites craignent, en effet, de subir à leur tour les conséquences de l'article 220 du code pénal, notamment le passage où il est mentionné clairement la condamnation de toute tentative dans «le but d'ébranler la foi d'un musulman». Ils se sentent, également, dans le viseur. Les chiites veulent l'abrogation de l'article 220 du code pénal Les chiites considèrent que la peine de 30 mois infligée au marchand ambulant de Taounate est «une violation d'une part de la Constitution, laquelle a banni la discrimination en raison de la confession, et d'autre part des pactes internationaux liés aux droits de l'Homme». Ils se réfèrent à l'article 18 de la Déclaration universelle de l'ONU des droits de l'Homme de 1948 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites». Les chiites soulignent, par ailleurs, que ce verdict est «une interprétation arbitraire de l'article 220 du code pénal». Et du coup, ils demandent son abrogation. Le prosélytisme de l'islam malékite sunnite est autorisé, le reste non Bien que la loi fondamentale du 1er juillet 2011 dans son préambule et les articles 3 et 41 insistent sur la garantie accordée à «tous» de la «libre exercice du culte», la pratique a montré que des obstacles se dressent contre un tel droit. Dans son rapport 2013 sur les libertés religieuses dans le monde, le département d'Etat américain a relevé que la loi marocaine «autorise la prédication de l'islam sunnite selon le rite malékite mais elle prohibe toute tentative de convertir les sunnites malékites à d'autres religions» ou rites. En 2010, lors de l'expulsion de chrétiens étrangers dans le sillage de l'affaire de l'orphelinat de Aïn Leuh, les chiites marocains ont souffert, également, des conséquences de cette main ferme des autorités contre les minorités religieuses. Pour mémoire, à l'époque le MUR (Mouvement unité et réforme, bras prédicateur du PJD) et le ministère des Affaires islamiques avaient fait campagne, tambour battant, contre les courants qui menacent «la sécurité confessionnelle des Marocains». Une allusion aux chrétiens et aux chiites.