Ladies, Yamna Joe et ses chroniques sont de retour sur Yabiladies. Aujourd'hui, la blogueuse aborde un sujet tabou, celui des dé-jeûneurs au Maroc. Pour ce faire, elle se glisse dans la peau d'un Casablancais de 38 ans, qui fait cette année son premier ramadan. Bonne lecture ! A la veille du ramadan, dans mon appartement casablancais grisé de plaisir et de luxure, l'heure était unique à l'hésitation, une heure de foi à la certitude d'une chance sans fin. Toutes les croyances que mes parents m'avaient enseignées, se hissaient impudemment dans mes esprits. Les moins solides s'opposaient à ma raison. Une pléthore de conscience impropre altérée par le temps, m'embrouillait jusqu'à la psychose, tandis que mon âme touchait le vide absolu. Dois-je jeûner, ou pas? Encore un instant d'ambigüité, où je contemplais mes reflets dans une apothéose d'incertitudes. Un portrait de candeur, dont les yeux reflétaient les étoiles, avec ce sourire douloureux d'incroyant, tout ému d'affection, et ne pouvant réfuter ses confusions. Je n'ai pas croisé le Sheikh Kazabry à l'aéroport Charles de Gaulle, je n'ai pas aperçu Ki-Rin, la chèvre scandinave volante, et je ne cherche pas à liquéfier la graisse de mes bourrelets. C'est que mes arguments invalidés ne tiennent plus la route. Comprenez donc que mes hypothèses d'antan, dont la ruse est la spirale centrale, l'ivresse même, dans une société, où les mœurs s'éventrent de tout part. Plusieurs années que je sillonne les routes de la Thaïlande, pour y célébrer les noces de mon meilleur ami Phet dont personne n'a jamais entendu parler. Plusieurs années que j'agrippe la malaria imaginaire m'obligeant à me désaltérer avec du jus de papaye toutes les deux heures. Plusieurs années que je grignote, à plat ventre, aux petits recoins les plus sombres, me condamnant à errer tel un mystique soufi, pour le reste du mois. L'avion pour Paris, ou le ramadan chez mes parents Mon anxiété devint telle, que j'étais à un moment sur le point d'envoyer promener les traditions, tourmenté par la brusque idée de devoir jeûner tout un mois d'été. D'ailleurs, l'exaltation montait tellement, qu'elle couronnait cette dernière journée de lutte entre les lumières. Une canicule fiévreuse où grondait déjà l'irréfutable combat qui allait s'engager, afin de tout changer. Prendre l'avion pour Paris, ou passer le ramadan chez mes parents. Par les rayons du soleil qui éclairaient finement le nylon de mon canapé italien, j'avais finalement décidé de jeûner. Dès lors, J'ai cru qu'il ne me restait qu'à me propulser dans les airs, à la caresse d'une voie, dont j'ignorais presque tout. Tout Casa me connaissait pour mes fêtes démesurées, mes voitures de sport fastueuses, et surtout pour la remarquable collection de femmes, que pas un homme ne manquait d'envier. Et toute cette large existence, ce luxe bling-bling, était financé par mon père. Une richesse sans cesse versatile, qui semblait éternelle comme les horizons lointains. De la liberté, et de la jouissance, m'avaient jadis séparé de ma famille. Alors, sous cette poussée de promesses, dans ce milieu étranger, impubère pour toutes les folies dont je voulais m'absoudre, l'augmentation probable des soupçons, cette rumeur de n'être pas musulman, acheva d'enfiévrer mes inclinaisons à jamais. La première fois C'était une heure de particulière excitation, l'heure absolue, où toutes ces heures à jeûner, devaient aboutir à une fièvre chaude de la faim. «Ahh la journée bslamtokm vraiment facile, Casa pendant le ramadan c'est un enfer, mais sberr ou kan, jeûner c'est un devoir», lançais-je à mon père, fière de voir son fils de 38 ans jeûner pour la première fois. Que de joies, et que de larmes avaient flétri sa bonté d'homme de foi. Toutes mes cervelles étaient à l'envers. Je ne pensais plus qu'à me remplir l'estomac de cailloux. Au bout d'une demi d'heure, j'étais totalement trempé, couvert d'une sueur amer, avalant d'une chaude brume tout ce qui se trouvait à portée de main. Outre les bols de harira aux fèves, les piles de gâteaux marocains mielleux, les crêpes marocaines vierges, aux milles trous, les théières de thé mentholé, les carafes de jus d'avocat, les sardines frits, et les quinzaines de quiches au saumon, avec le frémissement continu d'une armée serbe au ventre. Tout y passa, il ne resta que quelques morceaux de pain aux olives. Puis solennellement, mes entrailles déclaraient un ulcère gastrique chronique d'un pas assuré. Après une orgie alimentaire aiguë digne d'un vendeur de merguez ambulant, lentement, j'ouvris les bras pour accueillir un Oulmes format familiale, une eau gazeuse pétillante de santé, mais qui fait office de gargouille tuyauterie pendant le ramadan. Je n'entendais plus, au travers des murs, monter que le silence grelotant de mon abdomen. Face à la nourriture J'étais comme au sortir d'une prison fédérale, le pouls faible, une migraine forte, mais tout excité de ce qui m'attendait. Il était en effet sans liens ni obstacles, acheminant mes appétits avec l'instinct forcené de l'homme qui ne connait d'autre achèvement que son impuissance face à la nourriture. Et je respirais fortement, d'un air d'affranchissement, haletant comme un nouveau né, estimant tout ce qui s'offrait à lui dans ce nouveau monde. C'est la première fois que je jeûne de toute ma vie. C'est un chemin de liberté et d'allégresse, où chacun reste libre de son bien-être, avec le temps de dresser son esprit à un niveau différent. C'est le temps d'accomplir ses devoirs. La joie de dépasser ses craintes. Le bonheur d'aimer son prochain. La gaieté de prendre part à la destinée. Mais si tous les hommes aspirent à être heureux dans cette vie, qui n'est d'autre que la joie de la vérité, d'où vient que cette même vérité cause tant de haine? Qui n'est pas l'homme des tolérances, n'est pas un homme libre..... Bon ramadan, que l'amour, la paix, et la tolérance règnent partout ..... Retrouvez toutes les chroniques de Yamna Joe sur son blog.