Comment réduire l'influence religieuse du Maroc à Melilla ? C'est la question qui taraude les esprits de la droite qui gouverne cette ville. Son président vient de déclarer qu'il souhaitent des religieux ayant la nationalité espagnole et nommés par les autorités de Madrid et non pas des prédicateurs «payés par le Maroc». Visiblement les autorités de Melilla veulent mettre un terme à l'arrivée des imams en provenance du Maroc. Juan José Imbroda, le président de cette ville, l'a d'ailleurs, publiquement déclaré. Devant les membres du parlement local, ce politicien de droite a martelé qu'il ne veut plus de religieux qui font du «prosélytisme» et de surcroit «payés par le Maroc». Il s'est montré partisan du principe que les imams doivent être des «Espagnols» et «non-téléguidés» par une puissance étrangère. Une allusion plus que transparente à Rabat. Les religieux qui font le prêche du vendredi et président les cinq prières quotidiennes, dans les mosquées de Melilla, sont tous nommés par le conseil des oulémas de Nador. Le gouvernement espagnol est au courant de cette demande Bien avant que Juan José Imborad ne fasse de telles déclarations devant le parlement de Melillia, il en a informé le gouvernement Mariano Rajoy. Le 5 février à l'occasion d'un déplacement à Madrid, il a demandé au ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardón, d'envoyer des prédicateurs de nationalité espagnole aux mosquées de la ville. Les propos du président de Melilla sont quasiment sur la même longueur d'onde que ceux du ministre de l'Education, Juan Ignacio Wert. Ce dernier se prononce ouvertement en faveur de l'élaboration d'un islam Made in Spain. Apparemment, cet objectif n'est guère partagé pas l'opposition, notamment le parti Coalición por Melilla, dirigé par un Rifain, Mustapha Abderchan. Une formation qui entend jouer le rôle de porte-parole des revendications de la population autochtone musulmane face à l'hégémonie des deux grands partis, le PP et le PSOE. Expulser les imams marocains profite aux salafistes Chasser les imams marocains de Melilla ou encore de Sebta est, certes, la solution idoine pour une droite de plus en plus archaïque et recroquevillée sur elle-même, mais comme la nature a horreur du vide une telle mesure ne devrait profiter qu'aux représentants des mouvements radicaux, les salafistes et les wahabites. Et ils sont nombreux en Espagne. Décembre 2012, la radio Cadena Sera (proche du PSOE) publie des extraits d'un rapport du CNI (les services secrets espagnols), alertant de l'enrôlement de vingt imams par les salafistes. Ils opèrent dans plusieurs régions d'Espagne y compris Melilla et Sebta. La radio révélait que le ministère de l'Intérieur étudiait la possibilité de les expulser d'Espagne même s'ils sont en situation régulière.