Je pose là la question qui fâche, celle qui tue celui qui la pose et qui surtout met dans l'embarras celui qui prétendrait y répondre! Ces derniers jours, nous avons assisté à deux évènements majeurs de la vie politique de ce pays et qui répondent à ma question par un retentissant "NON! Nous ne sommes pas prêts ni même faits pour la démocratie!". La mort de cheikh Abdeslam Yassine a réuni derrière son cercueil des dizaines de milliers de ses adeptes, qui se sont toujours mobilisés à ses appels, malgré parfois le coté folklorique et onirique de son idéologie. Abdeslam Yassine a été pendant des années le chef incontesté et incontestable de sa Jammâ et de Adl wa Al Ihssane, cette association semi-clandestine qui a donné des sueurs froides au pouvoir et qui a permis au mouvement du 20 février de croire à un hypothétique "printemps marocain" que rien ne justifiait par ailleurs. Mais cheikh Abdeslam Yassine n'est jamais passé par les fourches caudines d'une élection démocratique : ni urnes, ni listes d'électeurs, ni concurrents. Il était le chef, le guide, le mourchid et celui qui n'était pas content n'avait qu'à quitter le groupe, s'il en avait encore la force intellectuelle et l'esprit critique suffisants. Pendant que les adeptes de cheikh Yassine pleuraient leur disparu, les USFPistes étaient réunis à Bouznika pour choisir DEMOCRATIQUEMENT le nouveau premier secrétaire de leur parti. L'U.S.F.P. est censée être un parti moderne, moderniste, dont les responsables et les militants sont rompus au combat pour la liberté, la démocratie, l'égalité, ainsi que mille et cent autres vertus qui en font un parti mythique! Ce 9ème congrès laissait prévoir toutes les signes de réussite de la démocratie : des congressistes venus de tous les coins du pays, quatre concurrents représentant quatre courants différents, une jeunesse pleine d'enthousiasme décidée à en découdre avec les caciques du parti et prête à instaurer un "printemps" à l'intérieur de ce parti un peu vieilli, sclérosé par l'exercice imparfait d'un pouvoir partagé! Durant les travaux du congrès, on a relevé trois incidents qui donnent malheureusement une piètre idée de l'ambiance "démocratique" qui prévalait lors de cette très importante réunion : une interruption de séance de plus de 30 minutes a été nécessaire pour régler un problème posé par le groupe des jeunes Ithihadi du 20 Février concernant le retrait de la tribune de la photographie officielle du roi; de nombreux congressistes ont marqué leur mécontentement de la manière la plus bruyante en ce qui concerne le menu servi lors des repas. Les moyens d'un vote électronique n'ont pas pu être mis en œuvre pour des raisons parait-il techniques. Entre photos, pannes et repas, il ne restait pas beaucoup de marge pour pratiquer la démocratie! Une fois Driss Lachgar élu, au deuxième tour, avec une majorité confortable, très confortable de près de 200 voix, la contestation fut immédiate. On est très loin de l'esprit démocratique qui reconnait la victoire de la majorité! Ahmed ZAIDI n'est pas content et l'a fait voir et savoir! Il parle de "pressions extérieures appelant à voter pour son concurrent". C'est un bizarre hommage que le perdant rend aux congressistes, qui ne seraient en fait que des pions obéissant à des "pressions extérieures" dont Ahmed Zaidi ne précise ni l'origine ni les motivations. Ali Bouabid, le fils du leader Abderrahim Bouabid, qui n'hésitait pas il y a quelques mois à essayer de nous croire que l'opposition et ses martyres sont nés avec le 20 Février oubliant ainsi toute une génération de sacrifices, et Mohamed Lahbabi, le vieux militant qui vire irrémédiablement islamiste, décident de quitter le parti, entraînant avec eux d'autres personnalités. Le 9ème congrès de l'USFP qui devait être celui du renouveau s'avère être celui des "egos"! Je pense à ce qui a frappé l'UMP française dernièrement. Ainsi, d'un coté, chez les islamistes, nous avions une chefferie personnelle, sans partage mais unanimement acceptée et reconnue! De l'autre, chez les socialistes, nous avons un simple "premier secrétaire" élu par ses pairs mais immédiatement dénigré et! contesté ! Tout cela n'a rien à voir avec la démocratie! Ma question trouve donc toute sa raison d'être : les marocains sont-ils faits pour la démocratie? Visiter le site de l'auteur: http://www.citoyenhmida.org/